C’est l’exposition que tous les amateurs attendaient. L’événement de tous les superlatifs et de tous les records, avec plusieurs milliers de billets vendus avant même son inauguration.
Disons-le d’emblée, réussir une exposition d’envergure sur Léonard est une mission pratiquement impossible. L’artiste mythique n’a laissé à la postérité qu’un corpus peint extrêmement limité : entre quinze et vingt tableaux, selon les experts qui divergent encore sur certaines attributions. À l’image des deux Madone au fuseau présentées au Louvre avec la mention « Léonard de Vinci et Atelier », une attribution qui ne fait pas l’unanimité. Le musée n’est donc parvenu à rassembler que huit tableaux autographes, dont quatre figurant dans les collections du Louvre. On le sait, les propriétaires des icônes de Léonard, conscients de leur attractivité touristique, ne se départissent qu’exceptionnellement de leurs trésors. Il y a donc inévitablement des absents de taille comme la Dame à l’hermine ou la Madone à l’œillet. Ces peintures, comme la totalité des tableaux de Léonard, sont toutefois évoquées par le biais de réflectographies infrarouges. Une fausse bonne idée puisque ces images sont mal exploitées quand elles ne sont pas présentées à côté des œuvres concernées. Par ailleurs, elles demeurent très hermétiques pour un public non averti. Enfin, leur surabondance, tout comme celle des œuvres des léonardesques, trahit davantage une nécessité de remplissage des salles qu’un vrai discours. Ces défauts sont encore accentués par une médiation inadaptée et une scénographie totalement désincarnée. Or, cette exposition au propos très intellectuel aurait justement bien eu besoin d’une mise en scène plus marquée qui aurait conféré du rythme à la démonstration et apporté un fil conducteur clair. Au final, on déambule ainsi dans une succession de séquences disparates et inégales en qualité. Dommage car les chefs-d’œuvre graphiques ne manquent pas dans cette exposition, qui fera justement date pour leur réunion.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Au Louvre, un Léonard trop désincarné