Le musée Dapper propose un panorama resserréde l’art des sculpteurs du bassin de l’Ogooué.
PARIS - Y a-t-il une vie possible pour les autres musées parisiens spécialisés dans les arts extra-européens après l’ouverture du Musée du quai Branly ? Le Musée Dapper le démontre habilement avec cette petite exposition consacrée à la statuaire du Gabon. La présentation conçue par Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du musée, fait preuve d’un didactisme suffisant pour que le néophyte puisse repartir en se sentant capable de distinguer une sculpture kota d’un masque punu. Autant d’expressions différentes qui correspondent à des régions et des ethnies du bassin de l’Ogooué, le fleuve qui arrose les trois quarts de l’actuel Gabon, qu’explora notamment le Français Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905). Pour les amateurs plus avertis, la confrontation de ces pièces issues principalement du fonds du musée et de quelques collections particulières procurera un plaisir assuré.
Stylistiquement, il n’y a en effet rien de commun entre les figures de reliquaires kota, réalisées avec des fils de cuivre ou de laiton tendus sur une âme de bois, et les célèbres masques mukuyi punu, blanchis au kaolin et reconnaissables à leurs scarifications frontales. Si ces figures correspondent à des usages différents, elles partagent en revanche un même rôle de support de cultes ou de rituels de ces sociétés animistes. Les statuettes reliquaires, d’une incontestable qualité plastique, ont ainsi été sculptées pour orner et surtout protéger des boîtes en écorce, vannerie ou peau, contenant les ossements des ancêtres. Objet d’un commerce fructueux, elles ont souvent été dissociées de leur réceptacle sacré, à quelques exceptions près, comme en témoigne un rare ensemble fang collecté en 1938.
Formes privilégiées de l’art africain et supports de l’incarnation des esprits, les masques étaient des accessoires arborés par les danseurs lors de cérémonies communautaires organisées pour célébrer les rites de passage (funérailles, naissance, initiation des jeunes garçons). D’autres, généralement teints en noir – symbole de coercition –, étaient portés par les hommes initiés chargés d’exercer la justice ou de faire régner l’ordre.
La créativité des peuples du Gabon ne s’est toutefois pas limitée à ces objets de divination et a bénéficié à des objets plus quotidiens, tels les instruments de musique, les bijoux, la vaisselle ou les armes. Si certains de ces accessoires appartiennent à la catégorie des insignes de dignité, ils témoignent aussi d’une présence constante des esprits dans la vie de ces peuples, dont les productions ont fasciné quelques grands marchands, tels Paul Guillaume, mais aussi des artistes comme Picasso et Vlaminck, qui en furent parmi les premiers collectionneurs occidentaux.
Jusqu’au 22 juillet 2007, Musée Dapper, 35 rue Paul-Valéry, 75116 Paris, tél. 01 45 00 91 75, www.dapper.com.fr, tlj sf mardi 11h-19h. Catalogue, Éditions Dapper, 207 p., broché, 22 euros, ISBN 2-915-25818-X
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Au cœur du Gabon
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire : Christine Falgayrettes-Leveau, directrice du musée Dapper. - Nombre de pièces : 130 - Nombre de salles : 2
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°244 du 6 octobre 2006, avec le titre suivant : Au cœur du Gabon