À travers une centaine d’œuvres et objets du XIIe au début du XXe siècle, Le Pavillon des arts retrace l’évolution de l’art chrétien d’Éthiopie, de la tradition antique au style moderne. La manifestation participe aussi au programme d’inventaires des trésors des églises pour la sauvegarde du patrimoine.
PARIS - Christianisée au IVe siècle, isolée par l’essor de l’Islam, l’Éthiopie a longtemps produit une imagerie empreinte de judaïsme antique. Les relations avec l’Occident reprennent au XVe siècle. À l’image du Diptyque de Marie et de la Crucifixion (vers 1500), la technique de l’icône se diffuse dans tout le pays où elle se fond avec les traditions géométrisantes. Sources d’inspiration durant de nombreuses années, les œuvres de Brancaleon, peintre vénitien arrivé vers 1480, et de son école sont présentées aux côtés de peintures locales. Une Vierge de tendresse, Lavement des pieds, panneau d’un diptyque, datant de la fin du XVIe siècle conserve encore cette influence. L’iconographie de la Crucifixion, avec la présence de Salomé aux côtés de Marie et d’angelots recueillant le sang du Christ, avait déjà été utilisée par l’artiste italien dans La Vierge à l’enfant (XVIe siècle). Exposé malgré son mauvais état, le panneau d’un boîtier en laiton représentant un Homme de douleur (XVIe siècle) est l’unique vestige du passage des jésuites qui tentèrent de convertir le pays au catholicisme (1557-1632). L’aventure se termina par une guerre civile et le rétablissement de l’orthodoxie ; l’Occident fut honni du pays. Pourtant les artistes continuèrent de se nourrir de l’imagerie occidentale, notamment par le biais d’un recueil français de 120 gravures édité vers 1650 et introduit clandestinement. Là aussi, l’accrochage prend soin de confronter les œuvres éthiopiennes et les estampes qui les ont inspirées : les représentations des Noces de Cana, de l’Évangile de Jean (vers 1755), retrouvent ainsi deux des scènes principales d’une illustration du document importé un siècle plus tôt. La composition a été adaptée à un format horizontal et, contrairement aux exigences des jésuites, le Christ arbore un visage jeune, voire poupin. Vers 1720, les artistes commencent à se libérer de l’idéal de copie de prototypes et illustrent certains ouvrages sacrés et les Vies des Saints éthiopiens. Des thèses philosophiques et profanes font leur apparition, comme dans un parchemin sur l’Explication de l’Ancien Testament (vers 1850) où le roi Bäräläam, menacé par un serpent et un fusilier (symboles respectivement de la tombe et de la mort subite) abandonne son trône pour se faire moine. Adaptation du récit de la vie de Bouddha, à travers des versions pehlvi et arabes, il met en garde contre le désir du monde qui empêche de penser au salut de l’âme. Symboles de la chrétienté par excellence, les croix rythment le parcours : croix de bénédiction en fer, en ébène ou croix pectorales, à la fois parure et protection, croix en laiton à la forme “pâtée” et aux bras si courts qu’elles deviennent des carrés. Conformément à la tradition antique, la croix est un instrument de la Victoire du Christ sur la mort, un objet de lumière et non un gibet. Le crucifié n’est pratiquement jamais représenté, et s’il l’est, il est figuré sous les traits d’un jeune homme imberbe aux yeux ouverts, comme sur une des croix de procession en bronze (XIIe-XIIIe siècle). L’exposition du Pavillon des arts s’est constituée autour de 23 pièces choisies parmi une collection européenne donnée à l’Association culturelle du Tigray, chargée depuis 1997 d’un programme de sauvegarde du patrimoine menacé. Ces œuvres retourneront dans leurs églises d’origine une fois ces dernières identifiées.
L’ARCHE ÉTHIOPIENNE – ART CHRÉTIEN D’ÉTHIOPIE, jusqu’au 7 janvier, Pavillon des arts, Les Halles – Porte Rambuteau, Terrasse Lautréamont, 75001 Paris, tél. 01 42 33 82 50, tlj sauf lundi et jours fériés, catalogue 200 p., 295 F.
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Au carrefour des cultures
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°114 du 3 novembre 2000, avec le titre suivant : Au carrefour des cultures