Deux photographes, Tom Stoddart et Alistair Thain, témoignent de l’horreur de la guerre à Sarajevo. L’un a porté son regard sur la détresse et le courage des hommes, l’autre sur la tristesse d’une ville dévastée.
LONDRES. "Tirez à intervalles réguliers. N’arrêtez pas avant de les avoir menés au bord de la folie". Intercepté en juin 1992, ce message radio, lancé par le général serbe Ratko Mladic à ses commandants d’artillerie, évoque fort bien l’horreur de la guerre. Il a servi de titre à l’exposition organisée au Royal Festival Hall par Camelot plc, Metro Imaging et l’Independent Photographers Group. Tom Stoddart a rapporté des images du terrible siège de Sarajevo, qui a duré 1000 jours et fait 12 000 morts, civils pour la plupart. Ce photographe n’aime pas qu’on le considère comme un photo-reporter de guerre. Pourtant, il a couvert la guerre du Liban, les massacres du Rwanda, et a été blessé devant le Parlement de Sarajevo en 1992. Évacué puis soigné, il est retourné sur les lieux du conflit, plus déterminé que jamais à se faire le témoin du siège le plus long des temps modernes. Ses photographies, qui ne font aucune concession à la mode ou à la provocation, sont d’un réalisme intense. Présentés à côté des œuvres de Tom Stoddard, les tirages monumentaux d’Alistair Thain illustrent l’horreur des ravages des bombardements prolongés. Son appareil, muni d’un objectif panoramique spécial, s’est concentré sur le paysage en ruine et les murs éventrés de la rue-ligne de feu de l’ancienne cité olympique. La scénographie de l’exposition est dramatrisée à l’extrême. Les séries de Stoddard consacrées à "l’allée des snipers" sont exposées de part et d’autre d’un long couloir, au centre de l’exposition. Elles racontent les destins individuels de citoyens pris sous des feux croisés et témoignent souvent d’actes d’héroïsme spontané. Ces photographies sont pour la plupart des images de "une", le photographe négociant le risque encouru contre une couverture. Au bout du couloir se dresse une photographie d’Alistair Thain montrant l’emplacement d’où les francs-tireurs braquaient des citoyens innocents. Alors que Tom Stoddard s’est surtout intéressé aux conséquences du siège – enfants trop vite grandis, scènes de deuil déchirantes, images de femmes, luttes pour la survie, quête de nourriture, états de choc –, Alistair Thain compose une sorte de fond de scène en reproduisant, presque grandeur nature, des lieux scrupuleusement observés : rues vides et menaçantes, intérieurs détruits par les bombardements, squelettes de maison, carcasses de tramways. Ce regard sur la ville dévastée contraste efficacement avec celui sur les hommes subissant le siège qu’a réuni Tom Stoddard en 90 photographies.
EDGE OF MADNESS (Au bord de la folie), jusqu’au 18 mai, Royal Festival Hall, Southbank Center, Londres, tél. 44 171 928 31 44, tlj 10h-18h, mardi-mercredi 10h-20h. Les bénéfices de la vente du catalogue (introduction de Martin Bell, 40 ill. n&b, 12, 95 livres) iront aux enfants sous la tutelle de Aid Direct.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°38 du 16 mai 1997, avec le titre suivant : « Au bord de la folie »