Dessin

Attraits subtils aux temps de Goethe

Par Julie Portier · Le Journal des Arts

Le 26 mars 2008 - 636 mots

L’Hôtel Scheffer-Renan révèle les trésors graphiques du romantisme allemand.

PARIS - À rebours d’une idée galvaudée du romantisme allemand qui le réduit volontiers aux paysages mélancoliques de Caspar David Friedrich, l’exposition du Musée de la vie romantique, à Paris, illustre la diversité dans laquelle s’est exprimé l’art du dessin et de l’aquarelle dans l’Allemagne de Goethe. Le commissaire de « L’Âge d’or du romantisme allemand », Hinrich Sieveking, a insisté sur la multiplicité des styles et des courants, en choisissant de représenter cinquante-neuf artistes et un ensemble de cent vingt-neuf œuvres sélectionnées dans plusieurs fonds publics et privés en Allemagne et dans le monde. La figure tutélaire de Goethe est convoquée pour frapper du sceau de l’excellence et de la prolixité les arts et les lettres entre 1770 et 1830. La sensibilité nouvelle qui naît à cette période charnière en Allemagne est exprimée de manière privilégiée dans l’art du dessin. À la base de l’éducation, il connaît un grand engouement qui se traduit par l’apparition d’une génération d’amateurs et de peintres convertis à la plume. Devenu une discipline autonome et convoitée par la nouvelle bourgeoisie, le dessin acquiert le statut d’œuvre et occupe bientôt le premier rang des beaux-arts. Ainsi, l’âge d’or du dessin « à l’époque de Goethe » rappelle une autre période faste de l’art germanique : l’Allemagne de Dürer. Trois siècles plus tard, les artistes ravivent son souvenir, en quête d’une culture patriotique dans un pays morcelé.

« Sturm and Drang »
Au fil des salles, l’exposition tente de caractériser le romantisme allemand et d’en aborder les différents aspects. Deux grandes tendances se distinguent : l’une géographique, l’autre chronologique. Dans l’Allemagne du Nord, de confession protestante, le dessin exprime l’émotion et les tourments existentiels que les artistes éprouvent au contact solitaire de la nature, dans le droit fil de la génération du « Sturm und Drang » (Tempête et élan). Cette approche rousseauiste des grands espaces est à l’origine d’une tradition de la randonnée à travers les provinces germaniques dont témoignent plusieurs feuilles, comme le portrait de dos de C. D. Friedrich par Georg Friedrich Kersting daté de 1810, qui représente le peintre simplement équipé d’une canne et d’un petit cartable à dessin. Cette notion du romantisme semble s’opposer à celle développée dans l’Allemagne catholique du sud où les « Nazaréens » se tournent vers l’Italie et trouvent dans le modèle de Raphaël la source d’un renouvellement de l’art religieux. Mais, il aurait peut-être été plus opportun que le parcours de l’exposition joue des confrontations sans tenir compte des aires géographiques ou des écoles. Car, malgré leurs différends conceptuels, ces dessinateurs partagent un grand dynamisme dans la recherche plastique et s’appliquent à bouleverser les codes esthétiques du paysage ou du portrait. Dans l’autoportrait de Philipp Otto Runge à la craie noire (1806) ou celui à peine esquissé de Franz Pforr (1810), la même puissance du regard fascine autant que l’habileté à capter un tempérament en quelques traits. Quant au paysage, ce sujet semble s’imposer en même temps que l’autonomie du dessin. En témoigne la signature de Johann Christoph Erhard inscrite au bas d’une feuille inachevée et aquarellée uniquement dans sa partie supérieure (Le Mont Untersberg près de Salzbourg, 1818). Cette effervescence du dessin, unique en Europe à cette période, donne lieu à l’expérimentation des libertés permises par le médium que peine à synthétiser l’accrochage. Cette exposition a cependant le grand mérite de rectifier la notion de « romantisme allemand » par le choix de la multiplicité soutenue par une sélection très exigeante des feuilles dont aucune ne laisse le regard indifférent.

L’ÂGE D’OR DU ROMANTISME ALLEMAND. AQUARELLES ET DESSINS À L’ÉPOQUE DE GOETHE, jusqu’au 15 juin, Musée de la vie romantique, Hôtel Scheffer-Renan, 16, rue Chaptal, 75009 Paris, tlj sauf lundi et jours fériés. Catalogue éd. Paris Musée, 21 p., 35 euros, ISBN 978-2-7596-0029-8.

L’ÂGE D’OR DU ROMANTISME ALLEMAND

- Commissaire de l’exposition : Hinrich Sieveking, historien d’art, avec Daniel Marchesseau, conservateur du Musée de la vie romantique
- Nombre d’œuvres : 129

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°278 du 28 mars 2008, avec le titre suivant : Attraits subtils aux temps de Goethe

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