À une époque où les expositions déploient un véritable arsenal pour persuader de leur bien-fondé, « L’arbre et le photographe » assume avec décontraction le choix d’une exposition pour le plaisir.
Le thème ? L’arbre, ni plus, ni moins. Celui qui cache la forêt se joue des contextes et s’effeuille du XIXe siècle à nos jours au fil des photographies d’une quarantaine d’artistes selon trois entrées : l’arbre au naturel, urbanisé et son rapport à l’humanité par le biais du voyage. « Ainsi se côtoient cent photographies dans un déroulé purement visuel où le parti pris de privilégier l’arbre et sa figuration, sans la moindre préoccupation historique, analytique ou monographique induit une impression de continuité et de résonnance », peut-on lire dans le très beau catalogue publié à l’occasion.
Anne-Marie Garcia, en charge de l’important fonds photographique de l’école, en a tiré une base de travail à partir de laquelle elle a articulé des correspondances visuelles et conceptuelles puisées dans des images contemporaines. Ainsi, la forêt de Fontainebleau et ses sous-bois sépia vus par Henri Langerock autour de 1870 font-elle écho au boisé menaçant d’une photographie d’Éric Poitevin ; de même les travaux d’Achille Léon Quinet conversent-ils eux aussi avec une version inédite de la forêt de Compiègne selon Nicolas Bruant.
L’arbre est partout – attention tout de même à l’overdose : individualisé, il est comme portraituré ; en groupe, il devient forêt dense, mythologique. Lorsqu’il pousse en ville, ce sont les parcs et les jardins qui dominent les sujets, mais aussi les trottoirs. L’arbre rythme la marche, scande les avenues, dérègle la rectitude architecturale, rivalise d’audace. On se prend à penser aux arbres de la photographe Zoe Leonard qui a admirablement photographié ces troncs rebelles, débordant des grilles de contention. Elle aurait eu toute sa place dans cette exposition qui alterne les pitreries des époux Blume avec la poésie des travaux de Jocelyne Alloucherie, l’âme conceptuelle des photographies de Jean-Marc Bustamante avec le flou subjectif de Sarah Moon. L’arbre, symbole de mémoire et de sédimentation, gardien du temps, des hommes et de la terre au creux de ses cernes, expose ses forces et ses faiblesses avec une délicatesse libérée des contraintes de l’historiographie. Pour mieux rejoindre la fiction peut-être, tant chaque image semble être le point de départ d’un récit.
École des beaux-arts de Paris, 13, quai Malaquais, Paris-6e, www.ensba.fr
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Attention, un arbre peut en cacher un autre
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°643 du 1 février 2012, avec le titre suivant : Attention, un arbre peut en cacher un autre