L’Ensba dévoile à Paris ses plus beaux dessins de la Renaissance italienne.
PARIS - Faut-il le rappeler, l’École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) de Paris détient, avec plus de 20 000 numéros, l’un des fonds de dessins anciens les plus importants en France, après celui du Musée du Louvre. Alors que le Salon du dessin approche, l’Ensba a décidé de réjouir les amateurs en présentant un florilège des plus belles feuilles de sa collection italienne de la Renaissance. Soit une trentaine de dessins, dus au crayon de Michel-Ange, Del Sarto, Pontormo, Vasari… ou encore de l’étonnant Salviati. Autant d’artistes actifs au cours d’une période charnière entre classicisme et maniérisme, dans un climat politique incertain lié au déclin de la maison des Médicis.
La présentation intimiste de ces œuvres fragiles, dans l’élégant cabinet Jean-Bonna – du nom du collectionneur mécène qui en a permis les aménagements muséographiques –, offre la possibilité d’en apprécier pleinement les qualités. Le parcours s’ouvre sur une remarquable étude d’homme nu, due au maître Michel-Ange (1475-1564). Ce dessin préparatoire à la sanguine figurant l’un des esclaves du tombeau du pape Jules II, vraisemblablement L’Esclave jeune de l’Accademia de Florence, fait inévitablement référence en matière d’anatomie. Andrea Del Sarto (1486-1530) excelle quant à lui dans le domaine du portrait, comme en témoignent trois belles sanguines. Il inspirera, dans cette voie, un suiveur nettement moins connu, Andrea Del Brescianino, dont l’un des portraits de jeune femme à la pierre noire, au cadrage très serré, semble être une étude pour un tableau conservé au Musée Fesch, à Ajaccio.
Jacopo Da Pontormo (1494-1556), l’une des figures du maniérisme, est ici évoqué par une extraordinaire feuille double face, emplie d’études de postures assumant leur filiation avec Michel-Ange, combinant sanguine, pierre noire et encre brune. Sur une autre feuille double face, Perino Del Vaga (1501-1547), l’assistant de Raphaël, exploite quant à lui la transparence du support pour tracer des études anatomiques, traitées ainsi de face au recto et de dos au verso, avec une technique particulière associant large trait à la sanguine et pointe plus acérée à l’encre brune. Quelques belles feuilles dues par exemple au rival de Michel-Ange, Baccio Bandinelli (1493-1560), illustrent notamment son projet de décor pour le Duomo de Florence et révèlent par là même ses accointances avec la sculpture. La présentation permet aussi de découvrir l’essentiel des dessins de Francesco Salviati (1510-1563) conservés par l’Ensba. Passé par l’atelier de Del Sarto, cet ami de Vasari (1511-1574) a laissé un corpus de dessins d’une grande diversité de sujets – anatomies, scènes de bataille, portraits… – et de techniques. L’Hercule étouffant Antée, longtemps attribué à Michel-Ange, offre au regard un vigoureux corps à corps masculin, thème repris, avec moins d’ambiguïté, dans les Trois hommes nus. La licence n’était en effet pas étrangère à Salviati, qui distillait quelques scènes érotiques homosexuelles à l’arrière-plan de tableaux, y compris religieux… Salviati n’en était pas moins capable d’exceller dans la représentation des grâces féminines, comme l’illustre L’Allégorie de la beauté, exercice familier aux artistes dans lequel il accorde un grand soin aux détails, qui paraissent presque ciselés.
Cette exposition, qui a permis de réviser un certain nombre d’attributions, propose donc une formidable immersion dans ce qui était alors considéré comme le fondement des arts, le « disegno », célébré par la création de l’Académie du dessin de Florence, en 1563. Appuyée par un catalogue efficace, elle offre au public une rare occasion d’étudier de près ces chefs-d’œuvre. Mais les amateurs avertis ne sont pas les seuls visés. « Le dessin à Florence » sert en effet de support à une action pédagogique menée auprès des élèves de dix classes des académies de Créteil et de Versailles. On ne peut rêver mieux pour une initiation à cet art.
LE DESSIN À FLORENCE AU TEMPS DE MICHEL-ANGE, jusqu’au 30 avril, École nationale supérieure des beaux-arts, cabinet des dessins Jean-Bonna – Mathias-Polakovits, palais des Études, 14, rue Bonaparte, 75006 Paris, du lundi au vendredi 13h-17h.
Catalogue, collection « Carnets d’études », 150 p., 18 euros, ISBN 978-2-84056-294-8
Le dessin à Florence
Commissaire : Emmanuelle Brugerolles, responsable du cabinet des dessins, assistée de Camille Debrabant
Nombre de dessins : 29
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Attention, belles feuilles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°297 du 20 février 2009, avec le titre suivant : Attention, belles feuilles