Architecture de papier

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 mai 2003 - 347 mots

Stratégies urbaines, bâtiments astucieux ou délirants, solutions fonctionnelles et/ou bon marché, rêves d’une vie meilleure, autant de réponses que les architectes se sont appliqués à fournir au cours du xxe siècle et dont le MoMA a méthodiquement collecté les suggestions. Ainsi s’est constitué, dès 1932, le prodigieux fonds du département d’Architecture et Design, dont la renommée n’est plus à faire. On aimerait le voir « voyager » plus souvent, tant il contribue à une meilleure compréhension de l’architecture moderne, mais cette fois seule la Schirn Kunsthalle de Francfort accueillera la sélection de quelque deux cents documents discutant la persistance de l’architecture visionnaire. Embrassant généreusement le XXe siècle, le parcours décline un cortège spectaculaire de grands noms (pas moins de soixante-quinze !), parmi lesquels Frank Lloyd Wright, Theo van Doesburg, Le Corbusier ou Mies van der Rohe pour la modernité, Zaha Hadid ou Arata Isozaki pour les plus contemporains. Plutôt qu’une réflexion sur l’utopie, l’exposition examine l’extraordinaire variété et qualité du dessin, témoin premier du rêve, de l’idée, du projet architectural. Elle pose alors la question de la validité du dessin comme tel, indépendamment de son application concrète. Autrement dit, l’architecture de papier est-elle encore ou déjà de l’architecture, même lorsqu’elle n’est destinée qu’à coucher sur la feuille une vision théorique ou purement imaginaire, comme ce fut le cas à la fin des années 1910 en Allemagne avec la Chaîne de verre, ou dans les années 1960 avec les villes vagabondes des Anglais d’Archigramm ? Les organisateurs de l’exposition y répondent par l’affirmative tout en lui adjoignant une dimension historique et esthétique supplémentaire. Des croquis d’un gratte-ciel imaginé par Mies van der Rohe en 1920 et singulièrement teintés d’expressionnisme aux esquisses alertes crayonnées par Hans Poelzig ou Erich Mendelsohn jusqu’aux dessins tridimensionnels que permet la technologie multimédia, les étapes graphiques du projet agissent finalement sur la pratique même de la discipline. L’exposition suggère alors une histoire du dessin architectural.  Histoire qu’il reste à écrire et dont les prémices sont joliment ébauchées dans l’épais catalogue édité pour l’occasion.

FRANCFORT, Schirn Kunsthalle, Römerberg, tél. 60 500 830, 29 avril-3 août.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Architecture de papier

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