Hiver 1947. Finie la guerre, éreinté le monde, nombreux furent les visiteurs à venir découvrir au Musée de l’Orangerie la rétrospective que René Huyghe, ce condottiere de la résistance, consacra à Vincent van Gogh (1853-1890).
Là, sous le ciel froid des Tuileries et au milieu des arbres nus, les curieux purent admirer ces champs incandescents et ces ciels foudroyants. Arles, Saint-Rémy-de-Provence, Auvers-sur-Oise : chemin de croix et de pieux plantés dans la docilité. « Folie » – le mot était lancé – que celle d’un homme capable, seul, si seul, de lutter ainsi.
La présente exposition entend examiner l’œuvre de Van Gogh avec les yeux d’Antonin Artaud (1896-1948), qui, à la demande du galeriste Pierre Loeb, consacra un texte fondateur au « suicidé de la société ». Les six séquences de l’exposition du Musée d’Orsay se déploient selon une scénographie moins sobre que maussade et, alternant salle réservée au peintre et salle consacrée à l’écrivain, échouent à faire dialoguer deux œuvres dont la puissance conjuguée eût pourtant été immense et féconde. Ainsi alignés, austèrement déclinés, les chefs-d’œuvre de Van Gogh eussent été éloquents si les sublimes lignes d’Artaud, reléguées au rang de simples citations et de scansions visuelles, les avaient parfaitement étayés. Faut-il voir, dans ce refus de confronter leurs créations respectives, une réticence à rendre spectaculaires leurs prétendues folies ? La sécheresse cistercienne du parcours est-elle une allusion aux bâtiments de douleur qui hébergèrent ici et là ces cracheurs de feu et de venin dont la beauté et la vérité furent les seuls vrais asiles ? Peut-être. C’est là, en tout cas, fournir un alibi à une exposition, qui, quoique peuplée d’œuvres bouleversantes, odieusement belles, perdra le béotien, démuni face au « convulsionnaire tranquille » et à son exégète, comme le spécialiste déçu devant ce rêve de papier qui ne parvient pas à s’incarner sur ces mornes cimaises et dans ces pâles vitrines. Cela s’appelle une occasion ratée.
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Antonin et Vincent, tristement parallèles
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Abonnez-vous dès 1 €Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’honneur, Paris-7e
www.musee-orsay.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°668 du 1 mai 2014, avec le titre suivant : Antonin et Vincent, tristement parallèles