Anselm Reyle - Miroir social

Mais ne regardez surtout pas sur Internet, n’ouvrez pas l’un des nombreux catalogues de l’artiste pour découvrir ses sculptures et ses peintures : les photos vues sur écran ou sur papier glacé ne renvoient qu’à un clinquant gratuit et vain. L’exposition, au contraire, est saisissante. Chaque pièce s’impose comme un possible reflet d’une société où tout semble parfois tellement absurde que chaque signe fortement présent peut faire sens.

Curieusement, parcourant les vastes salles du Magasin, le corps peut vibrer comme il a pu le faire à la lecture des Noces de Camus. Puissance du soleil, la lumière ici aussi seule importe. Des lueurs, des reflets et des miroitements instables irradient des objets à l’origine absolument dérisoires. Aussi brillant dans ses explications que dans la réalisation de ses œuvres, et riche d’une forte culture – il aime évoquer entre autres Arman, Vasarely, Yves Klein ou Warhol –, Anselm Reyle, prédateur enjoué des déchets de la société de consommation, réinvente en « bronze, aspect chromé » les reliquats les plus insignifiants de notre civilisation, jouant malicieusement du kitsch et du décoratif.

Un bémol tout de même, et de taille : en regard de la qualité et de la densité de ses œuvres, son immense fresque réalisée sur place dans la « Rue » du Magasin paraît bien peu convaincante. Alors que les objets usés non encore retravaillés qui encombrent son atelier de Berlin et que l’artiste a disposés dans ce même vaste espace fonctionnent parfaitement.