Anselm Kiefer, face à l’Histoire

En 1995, le Met acquérait cinquante-quatre œuvres de Anselm Kiefer, se plaçant ainsi à la tête du plus grand ensemble d’œuvres de l’artiste allemand jamais détenu par une institution. Le musée new-yorkais présente aujourd’hui cet ensemble original, constitué d’aquarelles, de gravures sur bois, de photographies rehaussées d’acrylique et d’éléments en plomb. Hanté par l’histoire et la culture germanique, Kiefer revisite toutes ses figures mythiques, s’inspirant tantôt de la tradition romantique, de la musique de Wagner ou de la littérature de Goethe, tantôt des écrits d’Heidegger ou des poèmes de Paul Celan... Il puise dans cette matière complexe la source de ses réflexions sur le poids de l’Histoire et la liberté de l’individu. Ses œuvres assument une fonction de catharsis, en particulier quand l’artiste explore les codes et symboles de la propagande nazie. Dans Heroic symbols (1969) ou Everyone stands under his own dome of heaven (1970) Kiefer se représente dans le salut hitlérien, sur des fonds de paysages désolés, désertés et glaciaux, qui ne sont pas sans rappeler ceux de Caspar David Friedrich. Cette attitude hautement provocante dans une Allemagne silencieuse, enfermée dans ses tabous et sa honte, lui valut les accusations de fasciste de la part d’une critique entre sursaut national et rédemption. Inspiré par la littérature et l’histoire allemande, Kiefer se nourrit aussi d’art ancien et renoue avec des techniques traditionnelles. En contrepoint de ses gravures sur bois monumentales – certaines atteignent trois mètres –, réalisées entre 1982 et 1993, l’exposition présente l’immense Arc triomphal de Maximilien (1515) de Albrecht Dürer, prêté pour l’occasion par la National Gallery de Washington.