Ann Hamilton : Qui parle ?

À Lyon au Moca en 1998, Le mur qui pleure laissait la surface lisse des parois suer de lourdes larmes. Et on se souvient encore du pavillon américain à Venise en 1999, investi et interprété par Ann Hamilton. Le plafond y laissait perler une poudre légère, d’aériennes particules de pigments fuchsia, dont l’espace, les murs et les visiteurs s’imprégnaient doucement. Métamorphose des supports soumis à l’autorité du contexte d’exposition, corps qui accueille et perçoit, l’artiste américaine a fait de ces deux axes le siège de ses dispositifs sensibles et physiques. Cette fois c’est La Maison rouge qui cède exceptionnellement ses espaces à un parcours monographique placé sous le signe de la parole et de la voix mises en matière. Voix politique et publique. Voix lyrique et poétique dont la Bastille et son Opéra, à proximité, se font l’écho. L’artiste américaine s’est installée quelques jours dans les lieux pour y finaliser un parcours qui ne cesse d’évoquer le questionnement. Qui parle ? Que peut-on dire ? Quand et comment la parole agit-elle ? Où va-t-elle ? Comment se (trans)forme-t-elle et s’expérimente-t-elle ? Bouches inquiétantes épinglées aux murs, assemblées silencieuses, murmures, chants, le parcours poursuit sans relâche les opérations intuitives et formelles d’enveloppement et de contamination du corps engagées par l’artiste. S’arc-boutant avec sans doute un brin d’insistance sur les symboles et réconciliations spiritualisantes en tous genres – esprit/matière – Phora se présente finalement comme un espace en transformation permanente, comme le lieu d’une parole et d’une expérience communes.