Héros de la guerre de Troie, Achille est le protagoniste de la grande exposition estivale du Musée de la romanité, à Nîmes. Une (re)découverte du personnage homérique pour mieux comprendre cette guerre contée dans « L’Iliade ».
En voilà une qui ne craint pas de manquer de pudeur ! Aphrodite, en bas au centre de ce médaillon de tissu copte des Ve-VIe siècles, ouvre son manteau et dévoile sa nudité. Pour bien s’assurer d’être désignée comme la plus belle face à la déesse Athéna, déesse de la sagesse, de la justice et de la guerre, reconnaissable à son casque (à droite) et Héra, femme de Zeus, que l’on identifie à gauche grâce à son voile de mariée, Aphrodite a promis à leur juge, le berger Pâris, de lui donner en échange de sa victoire la plus belle des mortelles, Hélène, femme de Ménélas, le roi de Sparte. Le beau jeune homme, fils de Priam, roi de Troie, est coiffé d’un bonnet phrygien qui témoigne de son origine orientale. Il se tient assis à gauche de Zeus qui, lui, se trouve au centre du médaillon, sur un trône, arborant une longue barbe et une musculature puissante. Le roi des dieux a préféré ne pas être l’arbitre du concours de beauté entre les déesses. Il a donc demandé à Hermès, messager des dieux reconnaissable à ses petites ailes (à droite) de confier cette mission à Pâris. Le berger ravit Hélène et l’amène à Troie. Humiliés, les Grecs déclarent la guerre aux Troyens, racontée par Homère dans L’Iliade.
Vaut-il mieux mener une vie modeste et simple, longue mais sans gloire, ou une vie éphémère, mais héroïque et couronnée de lauriers, ainsi qu’une renommée éternelle ? C’est, d’après une prophétie, le choix auquel est soumis Achille. La nymphe des eaux Thétis, élevée par Héra, la mère d’Achille, craint pour la vie de son fils. Pour le dérober aux désastres de la guerre, elle cache le jeune homme sur l’île de Skyros, dans la mer Égée, gouvernée par Lycomède. Achille y vit avec les filles de ce dernier et s’adonne à des activités féminines – danse, musique, travaux d’aiguille. Mais les Grecs ne peuvent gagner la guerre de Troie sans Achille. Aussi, Ulysse va-t-il le chercher dans ce gynécée, déguisé en marchand, accompagné de son ami Diomède. Cette monumentale mosaïque du IIe siècle ap. J.-C., découverte à Nîmes en 2007 et restaurée en 2010 est trop vaste pour être présentée dans le parcours permanent du musée. Elle représente le moment où Achille, découvrant les armes apportées par Ulysse et Diomède, dissimulées sous leurs marchandises, entend résonner les trompettes de la guerre et décide de s’engager dans la guerre de Troie.
« Chante, ô Muse, la colère d’Achille… » Ces mots ouvrent L’Iliade, qui raconte la guerre de Troie. La colère d’Achille a été provoquée par le roi Agamemnon. Ce dernier lui a ravi Briséis, la captive dont il s’était épris. Humilié et meurtri, Achille se retire des combats de la guerre de Troie, que les Grecs ne peuvent remporter sans lui. « On reconnaît le héros grec sur cette petite œnochoé (pichet servant à verser le vin) à sa manière de se recroqueviller sur lui-même, dans son manteau, pour s’enfermer dans sa douleur et sa contrariété », observe Nicolas de Larquier, conservateur en chef du Musée de la romanité, commissaire de l’exposition. Ulysse, coiffé d’un pylos (couvre-chef rond et sans rebord), assis face à lui, tente de le convaincre de reprendre les armes. Debout, derrière Achille, se tient une femme hiératique, sans doute sa mère, Thétis.
Patrocle est mort ! Il était le meilleur ami d’Achille. Alors qu’Achille refusait de combattre à la suite du rapt de son esclave bien aimée Briséis par Agamemnon, Patrocle avait emprunté l’armure et le casque de ce dernier pour conduire les assauts à sa place. Or le Troyen Hector, fils du roi Priam et frère de Pâris, l’a tué… Fou de douleur, Achille, qui ne s’était pas laissé convaincre par Ulysse lorsque ce dernier tentait de lui faire reprendre les armes, décide de retourner au combat pour venger la mort de Patrocle. Sur le relevé de cette mosaïque trouvée à Nîmes en 1846, seul témoignage complet de cette pièce qui a perdu beaucoup de sa surface au moment de son dépôt, Achille a attaché à son char le corps nu d’Hector, qu’il vient de tuer, et lance ses chevaux au galop pour traîner le cadavre autour de l’enceinte de Troie, « portant sa vengeance au-delà de ce que l’honneur du guerrier grec prescrit », souligne Nicolas de Larquier.
Ce sarcophage de marbre blanc du IIIe siècle ap. J.-C., prêt exceptionnel du Musée du Louvre, évoque le père d’Hector implorant Achille de lui restituer le corps de son fils, afin de lui donner une sépulture digne. Figuré à gauche, à genoux face à Achille dont on ne voit que la jambe, le vieil homme barbu, coiffé d’un bonnet phrygien comme les membres de la cour qui l’accompagnent, apaise la colère son ennemi. La partie centrale du sarcophage représente le corps d’Hector, les bras ballants, que l’on rend déjà à son père. À droite, se tiennent des femmes et un enfant, Astyanax, le fils d’Hector, qui porte sa main au visage. Au premier plan, vêtue simplement, les cheveux défaits à la manière des pleureuses, on reconnaît Andromaque, veuve du général troyen. Derrière elle, une femme, Cassandre sans doute, sœur d’Hector et de Pâris, dont personne n’a écouté les funestes présages, lève les mains vers le ciel. Tout à droite, une vieille femme, courbée, Hécube, femme de Priam et mère d’Hector, ferme la composition.
Effrayée par une prophétie affirmant que la guerre de Troie ne pourrait être remportée par les Grecs sans le concours de son fils Achille, qui y trouverait cependant la mort, Thétis plonge son enfant dans les eaux du Styx, fleuve des Enfers, pour rendre son corps invulnérable. Cependant, comme elle tient son fils par le talon, celui-ci n’y est pas trempé. Or, peu de temps après avoir tué Hector, Pâris, le frère de ce dernier, touche le talon d’Achille d’une flèche guidée par le dieu Apollon, qui soutient les Troyens. Blessé, Achille rend l’âme. Ce fragment représente un hoplite accroupi au sol, brandissant une longue lance, dont l’extrémité pénètre dans le talon d’un conducteur de char. La scène figure-t-elle le moment fatidique qui conduira à la mort du héros grec ? Peut-être. « Même si les textes évoquent non pas une lance, mais une flèche décochée par Pâris », nuance Nicolas de Larquier.
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Achille, guerrier invincible et vulnérable
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°777 du 1 juillet 2024, avec le titre suivant : Achille, guerrier invincible et vulnérable