Comment montrer une collection permanente et vivante ? Périodiquement donc, l’histoire se réécrit : nouvelles œuvres, nouvelle présentation, nouveau récit, nouvelles perspectives et, de plus en plus, nouvelles méthodes qui se libèrent de la marche chronologique pour lui préférer les découpes transversales.
Laissant derrière elle un précédent séquençage en « isthmes », la Tate modern de Londres ne déroge pas à la règle. Elle aligne chefs-d’œuvre et vigoureux efforts de médiation pour écrire son regard sur l’art du xxe siècle à nos jours, sans pour autant se soumettre à l’autorité des dates et des écoles. Un tel programme répond évidemment à des mandats pédagogiques et à quantité de contraintes. Mais, l’institution britannique, inaugurée en 2000, se risque également à quelques rapprochements théoriques et historiques parfois déconcertants.
Gestes matériels, poésie et rêve, idée et objet, états de flux sont les quatre axes balayant un large spectre de Monet à Tacita Dean en passant par Duchamp, Kandinsky, Rothko ou Jeff Koons. Ils scandent une présentation diffractée en allers-retours, zooms, pauses, extensions, suggestions d’affinités ou de divergences pour livrer un parcours volontairement tourné vers le présent, Anri Sala, Dorothea Tanning, Louise Bourgeois, Tomoko Takahasi, Thomas Schutte ou les Guerrilla Girls. Ces derniers bénéficient cependant d’une visibilité particulière, nouvelles acquisitions obligent, sans que les thématiques ne légitiment franchement leur présence.
Un parcours qui fait la part belle à la peinture, au geste et à la matière et n’évite pas tout à fait quelques analogies faciles affûtées par le petit bout de la lorgnette formelle. Chacun des quatre chapitres s’ouvre sur une paire d’œuvres gaillardement associées : Anish Kapoor et Barnett Newman qui ambitionnent d’immerger le spectateur dans l’œuvre, De Chirico et Kounellis créateurs d’associations métaphoriques, Joseph Beuys et Cy Twombly hâtivement raccordés par un regard commun sur la mythologie antique. Un vœu pieux qui voudrait clarifier passé et présent et bousculer la linéarité de l’histoire mais qui, en dépit de quelques jolies réussites et conversations convenues, telles que le bel entretien osé entre Martin Creed et Carl Andre, se prend les pieds dans le lino. En témoigne la pauvre association de Louise Bourgeois et Francis Bacon, jetés dans les bras l’un de l’autre sans autre alibi que l’organicité brutale de leurs formes et le camaïeu rose pourpré, rose violacé dominant les œuvres présentées.
Tate Modern, 25 Sumner Street, tél. 00 (4)4 2 078 878 000, Londres, Grande-Bretagne, www.tate.org.uk/modern
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Accrochage ou relecture ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°583 du 1 septembre 2006, avec le titre suivant : Accrochage ou relecture ?