Chine

Zeng Fanzhi ou la peinture masquée

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2013 - 565 mots

Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris organise la première exposition en France du peintre chinois, qui est aussi une star du marché.

PARIS - Il est plutôt rare de commencer un article sur un artiste en évoquant d’abord sa cote. Qui plus est lorsque celui-ci se voit offrir sa première exposition importante dans un grand musée parisien et qu’il est une découverte pour le public. Pourtant, avec Zeng Fanzhi (né en 1964 à Wuhan, capitale de la province du Hubei en Chine, et installé à Pékin depuis 1993), l’aspect économique n’est pas anodin puisqu’il est aujourd’hui l’artiste asiatique le plus cher. L’une de ses toiles, The Last Supper (datée de 2001), sorte de version asiatique de La Cène, a en effet atteint la somme record de 23,13 millions de dollars (17 millions d’euros) lors de la vente du 5 octobre dernier chez Sotheby’s à Hongkong. Il n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai puisque, il y a cinq ans déjà, un Mask de 1996 avait déjà atteint la bagatelle de 9,7 millions de dollars.

Heureusement, des qualités Zeng Fanzhi en a d’autres, même si d’aucuns pensent qu’il n’est pas le meilleur parmi ses confrères et qu’il ne doit son succès qu’au fait d’avoir été acheté par François Pinault. Il est ainsi indéniablement un peintre, possédant une formidable technique, comme c’est souvent le cas pour les artistes chinois. Cela dit, si l’on ne trouvait, ici ou là, un portrait de Mao sur fond de Cité impériale, des foulards rouges, des visages ou des masques asiatiques, on pourrait presque penser que Zeng Fanzhi est un peintre européen tant son rapport à l’histoire de l’art occidental est revendiqué.

Une vraie cohérence
Pour révéler et souligner les différents aspects de son travail, François Michaud (le commissaire, avec la collaboration de Marine Guyé) et Henry Périer (le conseiller scientifique) ont sélectionné une quarantaine de tableaux et pris le parti de la rétrospective à rebours. L’exposition débute donc par les œuvres les plus récentes, dont celle située à l’entrée et réalisée spécialement à cette occasion, avant de remonter jusqu’à ses premières toiles des années 1990. Elle commence par un immense paysage (Sans titre), et finit par une cinquième étape, intitulée « Hôpitaux », consacrée à ces chairs et corps blessés, sanguinolents, entre Soutine et l’expressionnisme allemand début du siècle dernier, directement inspirés par l’hôpital près duquel il résidait alors étudiant.

Entre les deux, le parcours passe en revue « La forme choisie n’a pas d’importance » (titre de la deuxième partie), soit les fameux masques devenus un temps son image de marque, et « Individu et masses ». Autant de séries ou thèmes à première vue disparates mais qui, à l’instar de ses masques qui pourraient en être la métaphore, cachent une vraie cohérence. Celle de l’identité de la peinture, d’un traitement de tous ses thèmes et, par ce biais, d’une réflexion sur la frontière entre l’abstraction et la figuration. Et dans ce registre, le visiteur se rend vite compte que, à l’image des ronces qui envahissent les dernières toiles, l’œuvre de Zeng Franzhi n’est pas d’un accès si facile qu’elle pourrait le laisser penser.

Zeng Fanzhi,

jusqu’au 16 février 2014, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 11, av. du Président-Wilson, 75116 Paris, tél. 01 53 67 40 00, www.mam.paris.fr, tlj sauf lundi et jf, 10h-18h, nocturne le jeudi jusqu’à 22h. Catalogue, éd. Paris-Musées, 30 €.

Légende photo

Zeng Fanzhi. © Zeng Fanzhi Studio.

Zeng Fanzhi, Sans titre, 2012, huile sur toile, 330 x 215 cm, collection particulière. © Zeng Fanzhi studio.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°401 du 15 novembre 2013, avec le titre suivant : Zeng Fanzhi ou la peinture masquée

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