Architecture

Médiathèque

Une construction qui capte la ville

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 27 novembre 2012 - 772 mots

Les architectes parisiens Pierre du Besset et Dominique Lyon livrent une médiathèque à Lons-le-Saunier. Entre déférence et inventivité, ils réalisent une délicate soudure urbaine.

Lons-le-Saunier - À quelques encablures du Jura suisse, la Franche-Comté pâtit de son image de rude pays, empesé du manteau de ses forêts épineuses. Pourtant, la tranquillité de sa préfecture,  Lons-le-Saunier, s’anime d’une nouvelle architecture : la médiathèque de Pierre du Besset et Dominique Lyon. La Communauté de communes du bassin de Lons-le-Saunier devait remplacer la vieille bibliothèque municipale. Maître d’ouvrage, elle lance un concours et, sans tergiverser, choisit deux architectes très réputés qui, cependant, construisent assez peu. En 1990, la réalisation du siège du Monde à Paris avait porté du Besset & Lyon sur le devant de la scène. Douze ans plus tard, la médiathèque de Troyes les récompensait du seul prix d’architecture français : l’Équerre d’argent 2002. Les deux architectes connaissent bien ce type d’équipement culturel pour en avoir conçu une quinzaine d’exemplaires. La médiathèque d’Orléans (1994), notamment, reste une référence tant pour son insertion urbaine, le refus de hiérarchie de ses façades que pour l’assemblage dynamique de ses fonctions.

À Lons-le-Saunier, l’équipement est de petite dimension et les 3 500 m2 à aménager ne posent pas de problèmes de fonctionnement particulier. Toutefois, le site d’implantation dans le cœur historique ne facilite pas le projet. Une rue étroite bordée d’habitations denses y conduit. La médiathèque du XXIe siècle doit se glisser entre un patrimoine classé – l’église des Cordeliers, l’hôtel particulier de Balay du XVIIIe siècle – et le mur d’enceinte de la maison d’arrêt. Le tout « formant un ensemble urbain soudé, fait de lignes simples, de grandes surfaces minérales ou ardoisées et de volumes impressionnants, sobres et dignes », analysent les architectes. Pour percevoir l’étroit rapport entre les constructions, il faut pénétrer au cœur de l’îlot. Dans l’ouvrage Construction (1), Dominique Lyon écrit : « Les situations doivent être abordées depuis l’intérieur de manière très littérale, avec ingénuité presque, après s’être départi de savoirs ou de convictions trop bien établis. Alors seulement, elles pourront être explorées pour ce qu’elles sont et, si ce qui s’y agite est saisi, c’est l’époque qui sera prise sur le vif ». Dans le contexte de Lons-le-Saunier, « le poids de l’histoire est énorme, tout comme celui des institutions telles que la justice et la religion », expliquent les architectes. Dès lors, poursuivent-ils, « il fallait être minéral, donner une façade sur rue qui soit monumentale ».

L’expression de l’histoire
Présentant un front étroit sur rue, le volume de la médiathèque s’étend dans la profondeur de la parcelle. Elle impose avec audace sa présence puissante et sans complexe comme le quatrième danseur de ce quadrille urbain. En béton couleur miel qui répond à la pierre jaune du Jura des façades du quartier, le monolithe incline gracieusement les surfaces curvilignes de ses parois dans une révérence Grand Siècle face à ses alter ego autour du parvis. Les percements empruntent au nid-d’abeilles ses alvéoles en hexagone « une forme insoumise, ni verticale, ni horizontale ». Une fois à l’intérieur, leur découpe accentue l’effet de masse du projet en révélant l’épaisseur des murs. Le volume, habillé de bois de peuplier clair, épouse au plus près les cambrures des façades. Dans cet espace dansant et fluide, largement ouvert, la répartition des fonctions est simple : elles se déplient naturellement au long des trois plateaux superposés que dessert un escalier droit aux parois vitrées, tandis que le sous-sol abrite deux salles de cinéma. Jouant avec subtilité du mimétisme et de la différence, le bâtiment assure déjà la continuité de l’histoire du lieu et de la ville. Il affirme avec certitude sa modernité ondoyante face à un ensemble patrimonial fort qu’il aura su bousculer pour lui réinjecter le mouvement de la vie. Il est bien loin le temps des « temple[s] de l’étude » que décrivait en 1805 le professeur Jean-Nicolas Louis Durand dans son Précis des leçons d’architecture. Bonjour à la bibliothèque 2.0 !

Notes

(1) Construction par Dominique Lyon, éd. HYX, 2010

Deux architectes de leur temps

Pierre du Besset (1949) et Dominique Lyon (1954) tous deux diplômés de UP7 Paris ont créé l’agence DBL en 1988. Leurs projets se matérialisent à partir d’interrogations simples : quelles sont les ambitions, les potentiels, les limites et les contradictions des situations propres à chaque projet ? Comment l’architecture se réfère-t-elle à l’environnement culturel ? Leur Pavillon de la France, non réalisé, à Séville en 1990 — un projet conceptuel et d’une grande poésie —, puis la réalisation de la médiathèque d’Orléans en 1994 proposant un nouveau type d’équipement public, font date dans le débat architectural.

Médiathèque

Maître d’ouvrage : Communauté de Communes du Bassin de Lons-le-Saunier

Programme : Bibliothèque, médiathèque et cinéma

Superficie : 3 500 m2

Coût : 8 M € HT

Concours : 2008

Livraison : 2012

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°380 du 30 novembre 2012, avec le titre suivant : Une construction qui capte la ville

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