Murcie accueille sa première biennale d’art contemporain, exposition conçue par Nicolas Bourriaud autour de la notion d’archéologie.
MURCIE - La ronde des biennales poursuit son chemin. Une nouvelle venue se tient actuellement dans le sud de l’Espagne, à Murcie. L’ambition de ce projet, le PAC pour « Proyecto Arte Contemporáneo » (projet d’art contemporain), n’est pourtant pas de s’inscrire dans le flot des rendez-vous internationaux. Alors que la politique culturelle des villes est souvent conçue comme un moteur pour le développement touristique, cette manifestation – comme l’a rappelé Pedro Alberto Cruz Sánchez, le responsable de la culture de la province autonome de Murcie le jour de l’inauguration, le 31 janvier – se veut avant tout ancrée localement. Elle est destinée à la population de la région, loin des débats sur le concept même de « biennale » que les organisateurs estiment en crise. Le PAC se veut également très flexible et rien n’indique que la prochaine édition ressemblera à la première.
En autarcie sous terre
Le paradoxe néanmoins est d’avoir fait appel, pour assurer le commissariat de la manifestation, à Nicolas Bourriaud, ancien codirecteur du Palais de Tokyo à Paris et actuellement curateur de la prochaine édition de la Tate Triennale à Londres. Paradoxe parce que le Français, un habitué des circuits internationaux, a conçu en définitive une exposition à résonance internationale en invitant quelques pointures comme les Becher. Le propos trouve cependant un ancrage local avec une attention portée sur l’histoire de la ville, son héritage arabe, et, au-delà, le rôle que peut jouer le passé sur l’identité. En titrant cette biennale « Estratos » (Strates), Bourriaud se plonge dans l’histoire et invite des artistes qui, selon lui, s’inspirent des méthodes de l’archéologie. Au centre-ville, Lara Almárcegui est ainsi directement intervenue sur la strate urbaine. Né de la destruction d’une maison, son gigantesque tas de gravats, parfaitement profilé, interroge tout autant la structure publique de la cité que les histoires personnelles attachées aux ruines de cet immeuble. Allan McCollum touche d’une autre manière à l’archéologie à la Sala Veronicas avec le moulage d’un chien de Pompéi figé dans la lave en 79 avant J.-C. L’animal est ici décliné des dizaines de fois pour devenir comme le motif d’une frise. Le Centro Párraga concentre des propositions plus classiques dans la forme, entre vidéo, photographie et peinture, avec les travaux sur le paysage de Cyprien Gaillard, les reliques de Jimmie Durham ou les images sur un mode nostalgique et très graphique de la Polonaise Paulina Olowska. Au Musée d’archéologie, Mark Dion signe une pièce d’une force rare réalisée à partir des murs recouverts de graffitis d’une ancienne prison de la ville. En complément à d’autres pièces de Cyprien Gaillard, l’Espacio AV présente quant à lui les explorations géologiques de l’Américaine Ilana Halperin ou les excavations de l’Italien Diego Perrone. Mais la proposition à la fois la plus pertinente et la plus folle de cette biennale est certainement celle de deux Français, Abraham Poincheval et Laurent Tixador. Le duo, adepte des expériences extrêmes, a décidé de construire un tunnel de vingt mètres sous la ville. Pendant vingt jours, ils devaient vivre en autarcie sous terre, traînant derrière eux des caisses remplies de victuailles, seulement reliées aux humains par le fil d’un téléphone à manivelle. Une performance dans tous les sens du terme pour ces deux spéléologues de l’art du XXIe siècle.
- Commissaire : Nicolas Bourriaud - Nombre de lieux : une dizaine - Nombre d’artistes : 24
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Un tunnel sous la ville
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Un tunnel sous la ville