La Villa Noailles à Hyères propose une plongée dans les créations de l’architecte Patrick Bouchain, auteur de nombreux projets culturels.
HYERES (Var) - Comment définir Patrick Bouchain, l’un des acteurs les plus essentiels, et pourtant l’un des plus masqués, de la scène architecturale française ?
On pense soudain à une petite phrase de Kierkegaard dans Le Journal d’un séducteur : « S’introduire comme un rêve dans l’esprit d’une jeune fille est un art. En sortir est un chef-d’œuvre. » Tant il est vrai que Bouchain pratique à la perfection l’art de l’intervention, de la fugacité et de l’effacement.
En quelque sorte, l’exposition que lui consacre la Villa Noailles, sous le commissariat de Jean-Pierre Blanc et Florence Sarano, est une première. Le voici donc en pleine lumière, non pas contre son gré mais au contraire de son habitude. Sept projets seulement ponctuent cette mise en lumière. Sept projets parfaitement symptomatiques de la manière d’agir de Bouchain et, surtout, du choix de ses commanditaires : « Connaître celui pour qui l’on construit. Parce que l’on connaît le destinataire, le bâtiment est chargé de sens ; chargé de cette histoire, il peut être transmis », a coutume d’affirmer l’architecte. À la Villa Noailles, les sept projets présentés sont non seulement chargés de sens et d’histoire mais aussi de connivence et de complicité. Avec Bartabas pour le Théâtre équestre Zingaro d’Aubervilliers et l’Académie du spectacle équestre installée dans les Grandes Écuries de Versailles ; avec Rostropovitch pour la Grange au Lac, auditorium pour les Rencontres musicales d’Évian ; avec Annie Fratellini pour l’Académie nationale contemporaine des arts du cirque de Saint-Denis ; et encore le caravansérail pour la scène nationale de la Ferme du Buisson à Marne-la-Vallée, le chapiteau du théâtre du Centaure à Marseille et l’École nationale du cirque de Rosny-sous-Bois.
À chaque fois, quelqu’un ou quelque chose, une personnalité ou un territoire. Résolument orienté vers la culture en général, vers le spectacle vivant en particulier. En témoignent, notamment et non présentés à l’exposition, le Magasin à Grenoble, le Lieu Unique à Nantes et la Condition Publique à Roubaix, trois exemples de parfaite reconversion d’établissements industriels en lieux de culture ; la scénographie de plusieurs éditions de la Biennale d’art contemporain de Lyon et celle, inoubliable, de la célébration, en 1989, de la bataille de Valmy en compagnie de Daniel Buren, Sarkis, Ange Leccia, Bartabas et Jean-Luc Vilmouth ; lesquels Buren et Vilmouth il retrouvera respectivement pour l’aménagement des Deux plateaux dans la cour du Palais-Royal et celui de Comme deux tours dans l’ancienne manufacture de Châtellerault...
Touche de baroque
Très orienté culture, donc, Bouchain signe pourtant des architectures pour Thomson ou Valeo, intervient comme urbaniste à Blois ou à Marseille et mène l’aménagement de la Friche de la Belle de Mai toujours à Marseille... Le feu follet sort donc du placard à la Villa Noailles. Mais à sa manière, avec modestie et discrétion. Trois espaces seulement sont occupés au premier étage et, naturellement, les trois « lieux du corps », comme une récurrence du spectacle vivant, de la gestuelle, de l’occupation physique de l’espace.
Ainsi, la petite salle de gymnastique accueille un court film durant lequel Bouchain s’explique. La piscine accueille des boîtes alignées et empilées à une hauteur de 90 cm, formant comme des murs, donc des fragments d’architecture ; chaque boîte haute est ouverte. À l’intérieur, une photo de Cyrille Weiner (lequel a reçu commande de la Villa Noailles du reportage subjectif qui compose toute l’exposition) expose l’une des réalisations de Bouchain, le tout à la lumière de trois lustres qui renvoient à Versailles mais qui, au lieu d’être en cristal, sont en papier : manière d’introduire une touche de baroque dans l’univers rigoureux de la Villa Noailles.
La salle de squash, enfin, avec les murs tendus d’immenses photocopies couleur de scènes de chantier, tandis que sept boîtes au centre de l’espace donnent à voir les maquettes des sept projets. Et, tout au long des murs, comme dans un showroom bâtiment, sont alignés des échantillons des matériaux utilisés par Bouchain. Une exposition qui mêle allègrement modestie et haute voltige, conviction et effacement, engagement et humour, et qui illustre à merveille un commentaire du conservateur Laurent Le Bon à propos de Patrick Bouchain : « Sans naïveté, c’est un adepte de la maïeutique mâtinée de quelques préceptes jésuites... »
Jusqu’au 2 avril, Villa Noailles, Montée Noailles, 83400 Hyères, tél. 04 98 08 01 98, tlj sauf lundi, mardi et jours fériés, 10h-12h et 14h-17h30.
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Un feu follet chez les Noailles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°210 du 4 mars 2005, avec le titre suivant : Un feu follet chez les Noailles