ALTKIRCH [03.02.12] - Sous le titre « Partenaires particuliers », le Crac Alsace a convié douze groupes d’artistes aux modes de collaboration et propos très (trop) divers.PAR FRANÇOISE CHALOIN
C’est sous le double commissariat de Sophie Kaplan, la directrice du Crac (Centre rhénan d’art contemporain) Alsace, à Altkirch, et de l’artiste Virginie Yassef qu’a été conçu pour le lieu « Partenaires particuliers », réunissant une douzaine de couples « élargis » d’artistes pour la réalisation d’une œuvre, parfois de l’œuvre d’une vie. On se souvient que, dans les années 1990, des artistes tels Philippe Parreno ou Pierre Huyghe, en particulier, ont pris le contre-pied de la position de l’artiste « démiurge », et de l’objet d’art comme création identifiable au « style » de son auteur et par conséquent à sa subjectivité, pour rejouer à plusieurs ces rôles et fonctions. Et ainsi dissoudre sous le sceau de l’œuvre collective la signature unique.
À Altkirch, point de visée programmatique, l’exposition s’attache avant tout à différencier les modes de collaboration possibles entre artistes. Quelques axes peuvent être dégagés à partir des vidéos « historiques » présentées dans sa première salle. Le premier concerne les couples d’artistes, à l’instar de Peter Fischli et David Weiss, dont est programmé Le Droit Chemin (1983), pérégrination burlesque des deux protagonistes déguisés en ours à travers un paysage mi-glaciaire mi-lunaire. Plus loin, Michel Dector et Michel Dupuy, qui se livrent quant à eux à des déambulations dans les villes, exposent les Barres d’empêchement de se garer (2010) qu’ils ont rapportées d’une visite de Nancy. Émus par « leur aspect plastique, leur présence à la fois incongrue et déterminée » dans l’espace de la rue, ils sont parvenus à gagner la confiance des habitants afin de les obtenir en échange de copies. Pour ces artistes qui font œuvre commune depuis vingt ans, comme pour Fischli et Weiss, la question du dialogue entre l’un et l’autre ne se pose pas, les deux n’ayant jamais formé qu’un aux yeux du public. De même pour Yvan Clédat et Coco Petitpierre, qui vivent et travaillent ensemble depuis leur rencontre, mais aussi pour le collectif Mahony, dont la pièce Los Tres Invitados (2010) mêle photographies de sculptures, vidéo et dessins. Ici encore s’opère la fusion de la participation, sous un seul nom, des trois membres du groupe.
Autre axe : le couple d’artistes ayant développé chacun une pratique personnelle, ou celui formé par deux membres d’une même famille ; par leurs relations privilégiées, ceux-ci instaurent une collaboration, laquelle peut être avouée et manifeste ou bien plus diffuse, aléatoire, secrète. En arrière-plan historique figure ici Hallelujah the Hills (1963), un film 35 mm (82 min) d’Adolphas Mekas, le frère de Jonas Mekas, qui rappelle leurs activités communes autour d’un cinéma expérimental et dont le scénario révèle en creux cette intimité fraternelle. Dans cette ligne mais avec moins de bonheur, l’installation Clameur, de Seulgi Lee avec Simon Boudvin ne laisse rien voir de l’intervention de son compagnon, dont les propres pièces sont autrement plus sculpturales.
Associations significatives
Le champ des amitiés entre artistes liées à des affinités intellectuelles ou esthétiques suscite des associations, ponctuelles ou régulières, plus significatives. Philippe Quesne a fondé en 2003 le Vivarium Studio, réunissant acteurs, plasticiens, musiciens, danseurs et un chien, avec lequel il présente Provisoirement sans titre (2011), une remorque contenant un paysage de neige artificielle et accompagnée de la diffusion d’une musique composée pour l’occasion. Autre exemple, Giancarlo Vulcano Julien Bismuth et Jean-Pascal Flavien ont conçu, respectivement mais sur un projet commun, la bande-son, le texte et la signalétique de l’exposition (des cartels sous forme de boules de billard).
Pourtant, si « Partenaires particuliers » ouvre des pistes de réflexion, elle les referme aussitôt sur des œuvres qui, mis à part le lien que plusieurs entretiennent avec les arts de la scène et la musique (citons encore Marie Losier ou Jeremy Deller), ont très peu à voir entre elles. Au final, l’attention du visiteur s’en voit trop dispersée pour qu’un sens un tant soit peu général – et surtout constructif – émane de l’ensemble de ces propositions « particulières ».
Commissaires de l’exposition : Sophie Kaplan, directrice du Crac ; Virginie Yassef, artiste
Nombre de groupes d’artistes : 12 ( Jean Rouch, avec 7 films)
Jusqu’au 29 avril, Crac Alsace, 18, rue du Château, 68130
ALTKIRCH, tél. 03 89 08 82 59, www.cracalsace.com, du mardi au vendredi 10h-18h, le week-end 14h30-19h
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Tous les couples sont permis
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Dector & Dupuy, Barres d'empêchement de se garer, 2010, six barres provenant de l'avenue Milton à Nancy, diffusion d'un entretien avec les artistes, courtesy galerie Art Attitude Hervé Bize, Nancy.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : Tous les couples sont permis