« Indian Summer » explore l’art contemporain du sous-continent.
PARIS - Une vache grandeur nature trône en majesté dans l’entrée. En fibre de verre peinte en rose vif, elle est alanguie sur des matelas recouverts de soies rayées (Subodh Gupta, Rani, 2001). D’emblée est abordée, et sans détour, la ligne maîtresse de l’exposition « Indian Summer » : cette découverte de la scène artistique indienne et de sa diversité de figures et de formes propose un parcours au sein des tensions qui traversent la société du sous-continent.
Ce n’est pas le moindre des mérites de cette manifestation que de se consacrer à l’Inde contemporaine, dont les productions demeuraient jusque-là méconnues dans notre pays. L’Inde a en effet échappé à l’engouement que la globalisation a suscité envers les situations africaines et asiatiques (Chine, Japon, Taïwan…). Un autre de ses atouts tient dans ce qu’elle esquisse le portrait d’une jeune scène qui, si elle ne dédaigne pas la couleur ni une certaine exubérance, fait le plus souvent fi des clichés « bollywoodiens » auxquels le regard occidental rattache sans cesse le pays et sa création. Quand kitsch il y a, il est à double détente, comme lorsque Krishnaraj Chonat recouvre le mobilier d’un salon « nouveau riche » de perles en plastique chic et toc ; elles ne font même plus illusion lorsque l’on constate que la plante verte dépérit et que le canapé est constitué de morceaux de palettes (Ideal Living, 2004). Avec beaucoup d’humour, Suresh Kumar fait se télescoper la Suisse et Bollywood dans une série de photographies qui pourraient faire la promotion d’un soap opera binational (Sandalwood Star in Switzerland, 2003). La vache est encore là, mais bien grasse cette fois!
Pays schizophrène
L’exposition réunit des travaux très marqués politiquement et surtout socialement, abordant de front le maillage ardu de questions culturelles, religieuses, sociales... qui façonnent la complexité ancestrale de cette civilisation – dont la modernisation à grandes enjambées peine à venir à bout de tous les archaïsmes. Quand Anita Dube évoque tensions et craquements sur le mur, ses fissures sont tracées avec des yeux votifs en émail (Cracks in my Bathroom, Cracks in my Building, 2005). Atul Dodiya revisite le problème territorial du Cachemire dans une toile réglée à la Mondrian à laquelle il accole une gaine d’évacuation d’eaux usées (Cracks in Mondrian Kashmir, 2004-2005). Impressionnante de technique, la peinture de Jitish Kallat retravaille des images de conflits, où la violence n’est pas que le fait du motif mais aussi celui du traitement subi par la toile, qui apparaît comme délavée – Italics (War Dance) et Untitled (Fish), tous deux en 2002.
L’été indien apparaît ainsi turbulent, tantôt sombre ou rafraîchissant, mais toujours porté par les contradictions vécues par les artistes dans un pays schizophrène, qui est tout à la fois moderne et fondamentalement traditionnel.
Jusqu’au 31 décembre, École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba), 13, quai Malaquais, 75006 Paris, tlj sauf lundi, 13h-19h. Cat., éditions de l’Ensba, 320 p., 35 euros, ISBN 2-84056-183-2.
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Sirop indien
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires : Henry-Claude Cousseau, Deepak Ananth, Jany Lauga - Nombre d’artistes : 26 - Nombre d’œuvres : 58
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°224 du 4 novembre 2005, avec le titre suivant : Sirop indien