L’industrie du sexe est sans doute l’un des domaines où la robotique et l’intelligence artificielle offrent les plus grandes perspectives commerciales. Selon certains prospectivistes, les « sexbots » promettent de devenir dans un avenir proche d’ordinaires compagnons de plaisir et pourraient même révolutionner le plus vieux métier du monde en se substituant peu à peu à la prostitution classique.
En 2012, Ian Yeoman et Michelle Mars, chercheurs à la Victoria Management School, imaginaient par exemple une maison close à Amsterdam, le Yub-Yum, où les hommes pourraient, dès 2050, s’adonner aux amours tarifées avec des gynoïdes de toutes sortes. Un scénario d’autant plus plausible qu’aux États-Unis la société True Companion commercialise déjà depuis 2010 un robot sexuel, Roxxxy, dont le propriétaire peut choisir l’apparence (de la chevelure à la couleur de la peau, des yeux et des ongles) et même les penchants sexuels (l’usager a ainsi le choix entre « S&M Susan », « Mature Martha » ou « Wild Wendy »). Criants de réalisme, ces robots sexuels peuvent ainsi, d’après la compagnie qui les commercialise, « entendre ce que vous dites, parler, être sensibles au toucher, bouger leurs corps, ressentir des émotions, et ils ont une personnalité. »
Cet érotisme robotique est au cœur de l’exposition que Le Cube consacre à France Cadet depuis le 30 janvier. Dans « Robot pour être vrai », l’artiste, rompue à l’exploration des liens entre art et sciences, présente notamment une série de photographies numériques – Robot mon amour – où elle se met en scène sous la forme d’une gynoïde mi-femme mi-robot aux poses lascives, sorte de pin-up hybride dont le galbe épouse l’imaginaire et les standards esthétiques de la science-fiction. Certaines des images sont sensibles au toucher : en effleurant la main tendue du cyborg, le spectateur « allume » chez elle un frisson ; ailleurs, il provoque le battement d’ailes d’un papillon. En puisant avec dérision dans le kitsch des clichés érotiques (ici, elle se campe en cow-girl, là en amoureuse tenant un cœur entre ses mains), France Cadet dessine ainsi l’ébauche d’une société où l’objectivation du corps féminin trouverait dans la cybernétique son plein achèvement.
En regard des photographies numériques évoquées ci-dessus, Le Cube expose en effet une sculpture 3D de l’artiste : Cyber leçon #32. Détournement explicite d’une célèbre campagne de publicité pour une marque de lingerie fine, elle présente la jeune femme agenouillée et attachée dans une posture de soumission fidèle aux codes du bondage. Comme dans la série Robot mon amour, France Cadet substitue aux atours classiques de la femme lascive (ici la lingerie) un costume de cyborg qui vient souligner ce qu’il entre d’objectivation dans les représentations contemporaines de la femme. Elle laisse ainsi entendre que, si l’érotisme robotique demeure encore largement un fantasme de la science-fiction, la réduction du corps féminin à une simple « machine à plaisir » est, en revanche, un phénomène banal.
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Robots érotiques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°677 du 1 mars 2015, avec le titre suivant : Robots érotiques