La rétrospective du travail de Jean Larivière au Musée de la publicité met en lumière les glissements progressifs de la photo publicitaire.
PARIS - Il fut un temps où photographie et publicité faisaient bon ménage. Un temps où les « donneurs d’ordre » n’étaient pas encore devenus des « marketeurs compulsifs » et où les photographes étaient moins choisis pour leur soumission que pour leur talent, voire leur génie. Aucune nostalgie dans ce constat, simplement l’énoncé d’une évidence : Guy Bourdin (dont on se souvient des sublimes campagnes pour Charles Jourdan) a cédé la place à Photoshop, de la même manière que « Les raisins verts » de Jean-Christophe Averty ont laissé la leur à la « Star Academy » et que la presse people s’est substituée à la presse d’opinion…
L’exposition de Jean Larivière (né en 1940) organisée au Musée de la publicité, à Paris, vient à point nommé nous remettre les yeux et les idées en place. Avec, en majesté, cette invraisemblable campagne, étirée sur vingt ans, réalisées pour Louis Vuitton et justement dénommée « L’âme du voyage ». Une campagne qui va conduire Larivière sur les routes les moins fréquentées du monde, du Yémen au Chili, du Groenland au Tibet, du Ladakh à la Patagonie, du Cameroun à la Chine…
La ligne d’horizon se dérobe
Voyages (bien plus que campagne) précédés de documentaires, préparatifs et repérages minutieux (également exposés) pour aboutir à des regards qui jouent du décalage, de la mise en scène, de la rupture de ton, de l’incongruité et de l’inattendu mis au service de la composition, de la géométrie, du cadrage, de la lumière…
Résultat : une force et une beauté, une sensualité et une légèreté, une rigueur et une fantaisie admirablement servies par un noir et blanc magistral. Quelques trucages, ici ou là, ne font qu’accentuer l’universalité de la pensée du photographe, et l’intelligence du commanditaire.
Passé Louis Vuitton, tout s’enchaîne et se retrouve dans les autres campagnes menées pour Larivière (Charles Jourdan, Lanvin, Château Lafitte, Van Cleef, Virgin…), la même exigence et les mêmes qualités. Et tout autant dans les reportages réalisés pour des titres tels Vogue, Jardin des Modes, Égoïste, City, Actuel ou encore Libération. Seule mais très légère réticence pour les séries réalisées pour le magazine Citizen K, hormis l’éblouissante photo d’une « Berlinoise » noire dont la tête émerge tout juste d’une eau irisée et impalpable. Et, d’une salle à l’autre, cette constante : dans les photos de Jean Larivière, la ligne d’horizon, toujours, se dérobe. Non pas gommée, non pas virtuelle, mais réellement immatérielle. Comme une invitation à pousser plus avant le voyage.
Le vernissage de cette exposition coïncidait avec celui du salon Paris Photo. Larivière était curieusement absent des allées du Carrousel du Louvre. Quelques volées d’escaliers seulement séparent le Carrousel du Musée de la publicité. Pour peu que les organisateurs et les galeristes de Paris Photo les aient gravies, nul doute que Larivière fera un tabac à la prochaine édition du salon.
Jusqu’au 26 mars, Musée de la publicité, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50, www.ucad.fr, tlj sauf lundi 11h-18h, samedi et dimanche 10h-18h.
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire de l’exposition : Amélie Gastaut - Nombre d’œuvres : 70 tirages
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°227 du 16 décembre 2005, avec le titre suivant : Retour aux sources