Le Musée des beaux-arts et d’archéologie de Valence réunit les plasticiens Franz Ackermann, Élisabeth Ballet et James Turrel.
VALENCE - Que fait un musée fermé pour travaux en attendant sa réouverture ? Réponse : des expositions « hors les murs ». Celui des Beaux-arts et d’archéologie de Valence (Drôme) n’échappe pas à la règle. Fermé depuis 2006 – et jusqu’en 2013 – pour cause de vaste rénovation-extension (coût des travaux : 23 millions d’euros, auxquels s’ajoute 1,5 million d’euros pour les réserves logées, elles, dans un local municipal réaménagé), ce musée initie donc aujourd’hui son cinquième opus dans un lieu méconnu et néanmoins emblématique : l’ancienne imprimerie Céas, à deux pas de la gare de Valence-Centre. Titre de l’exposition : « Immersion ». Son propos : « Explorer notre relation à l’espace et à la matière à travers un parcours mêlant peintures, sculptures et installations. » Ou, selon le souhait de Dorothée Deyries-Henry, conservatrice au Musée des beaux-arts et d’archéologie de Valence et commissaire de l’exposition, tenter de répondre à une question assurément vaste : peut-on être traversé par une œuvre sans nécessairement y entrer physiquement ?
La présentation réunit trois artistes actuels de premier plan : l’Allemand Franz Ackermann, la Française Élisabeth Ballet et l’Américain James Turrell, lesquels ont, pour l’occasion, réalisé des pièces à grande échelle. Le moins que l’on puisse dire est que ces trois plasticiens cultivent radicalement leur différence. D’un côté, Franz Ackermann, l’un des chantres du renouveau de la peinture allemande et pourtant, pour l’heure, peu montré en France, est un créateur plutôt « luxuriant ». De son côté, Élisabeth Ballet, elle, se voit souvent étiquetée d’« artiste conceptuelle ». Tandis que James Turrell, lui, naviguerait carrément sur le registre du « mental ». Or, le cocktail qui, de prime abord, pouvait paraître risqué fonctionne et les pièces prennent pleinement leurs aises, à la fois chacune séparément, entre elles, ainsi qu’en regard de l’architecture du lieu.
Tourbillon de couleurs
Avec Terminal Tropical, Franz Ackermann a érigé une installation qui mixe dessin, peinture et matériaux divers (des vêtements, un faux palmier, des catalogues d’agences de voyage…) et qui « explose » les limites du cadre. On peut ainsi voir, grâce à des percements, à travers ce « tableau », tourner autour, presque y « entrer ». En arrière-plan se déploie sa seconde pièce : un gigantesque wall painting intitulé Treibholz (bois flottant) et constitué, outre la fresque, de nombre de photographies issues des pérégrinations d’Ackermann à travers la planète – Inde, Brésil, Texas, nature, ville, aéroport, salle de sport, été, hiver… On l’aura compris, ces deux travaux se réfèrent à la vie de l’artiste, à ses déplacements, autant physiques que psychiques, à des voyages et à des paysages, réels ou utopiques. « Déambuler à pied et user d’un pinceau sont pour moi deux actions rigoureusement identiques », souligne Franz Ackermann. On est littéralement happé par ce tourbillon de couleurs.
Quoique plus « paisibles » de prime abord, c’est toutefois la même impression qui transparaît des deux œuvres d’Élisabeth Ballet. La première, Road Movie, est une sculpture composée d’une série de lignes bariolées, disposées à un mètre du sol sur de fins pilotis. On dirait des traces géantes de gouache en suspension dans l’espace. Celles-ci sont sinueuses telles des routes de montagne. La seconde pièce, Smoking & Brillantine, elle, évoque un peu la première, mais dans une version désarticulée, sinon accidentée. Certains éléments qui la constituent ont chu au sol. Il est, chez Ballet aussi, question de déplacement ou, plus exactement, de défilement : celui d’une route, à l’instar d’un road movie au cinéma. « On demande toujours à un sculpteur d’occuper l’espace, s’amuse Élisabeth Ballet. Moi, au contraire, je veux faire des sculptures qui absorbent. Mon travail est transparent, il intègre l’environnement et vice-versa. On n’entre pas physiquement à l’intérieur d’une œuvre, mais mentalement : on y est absorbé ».
Ces expériences d’« absorption » culminent avec l’installation de James Turrell, baptisée Pink Mist. Comme pour toutes les pièces de ce type, le visiteur entre d’abord dans un espace mystérieux plongé dans l’obscurité. Quelques minutes d’adaptation sont nécessaires avant qu’il ne commence à distinguer l’œuvre : quelque chose qui ressemble peu ou prou à un tableau rectangulaire, de couleur rose cette fois. Plus le spectateur s’approche dudit « tableau », plus celui-ci se dérobe à ses yeux, jusqu’à sa dématérialisation complète. On y perd non seulement son latin, mais aussi ses repères. Le plongeon est total.
Commissariat : Dorothée Deyries-Henry, conservatrice au Musée des beaux-arts et d’archéologie de Valence
Surface d’exposition : 600 m2
Nombre de pièces : 7
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Plongeon dans la différence
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 25 septembre, exposition hors les murs no 5 du Musée des beaux-arts et d’archéologie, Imprimerie Céas, 9, rue Sévigné, 26000 Valence, tél. 04 75 79 20 80, www.musee-valence.org, tlj sauf mardi et dimanche 14h-18h30
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°346 du 29 avril 2011, avec le titre suivant : Plongeon dans la différence