Cinéma - Nicole Garcia aime filmer la mer. Le cinéma la ramène-t-elle à la Méditerranée de son enfance ? Ou encore à ses nuits ? « Les vagues, nous confie-t-elle un jour d’hiver, reviennent souvent dans mes rêves. » Il fallait donc bien qu’elle rencontre la plus grande : celle de Katsushika Hokusaï.
Amants raconte l’histoire de Lisa et Simon. Ils sont jeunes, beaux, amoureux. Elle suit des études d’hôtellerie ; lui est dealer dans les quartiers chics de Paris. Quand son client Pierre-Henri s’effondre après un shoot fatal, Simon abandonne brutalement la France et Lisa. Ils se retrouveront des années plus tard à Maurice. Entre-temps, Lisa a refait sa vie avec un homme d’affaires installé en Suisse…Discrètement, l’estampe de Hokusaï scande cette tragédie. Elle s’est imposée naturellement au fil de l’écriture, et Nicole Garcia en vint à s’interroger sur cette vague, si différente de celles de ses rêves. « La sensualité de la mer tient du mouvement. Aussi, cette vague figée a quelque chose de menaçant, de suspicieux. » Elle jaillit au détour d’un dialogue, lorsque Pierre-Henri propose à Simon d’aller au Musée Guimet. Simon refuse. Cependant, la nuit de l’overdose, le catalogue de l’exposition Hokusaï qui traîne chez Pierre-Henri aimante son regard. « Il considère cette vague, poursuit la cinéaste, et l’on se demande de quelles promesses de futur elle est porteuse. » Au dernier acte, dans une galerie de Zurich, La Vague est encore là, telle une prémonition. « Nous n’avions pas prévu dans le scénario de retrouver Hokusaï. Au tournage, il m’a pourtant semblé qu’il le fallait. » La séquence est tournée à Paris, rue de Téhéran, où Jean Frémon et la Galerie Lelong ont ouvert leurs portes aux Amants. « Ils ne vendent pas d’estampes habituellement. J’ai fait ajouter La Vague dans la réserve, pour que Simon la retrouve. Cette fois, elle nous parle du remords, tatoué sur sa peau. » La suite appartient au film. La Grande Vague de Kanagawa a sans doute été trop souvent reproduite, ajoute la cinéaste. Mais c’est aussi pour cela qu’elle fonctionne bien comme motif. » En se penchant plus près du monstre, on s’aperçoit que les pêcheurs paraissent sereins face à la déferlante. « Ils ont apprivoisé sa dimension menaçante, conclut Nicole Garcia, trouvé cette façon de faire corps avec elle. Tels les surfeurs que l’on voit épouser les remous. » Ainsi ces pêcheurs japonais ressemblent-ils aux héros de ses films, silhouettes qui nous apprennent à vaincre nos peurs pour trouver notre chemin dans le flux de la vie.
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Nicole Garcia face à la vague
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°740 du 1 janvier 2021, avec le titre suivant : Nicole Garcia face à la vague