Cinéma

Nicole Garcia face à la vague

Par Adrien Gombeaud · L'ŒIL

Le 22 décembre 2020 - 407 mots

Cinéma  - Nicole Garcia aime filmer la mer. Le cinéma la ramène-t-elle à la Méditerranée de son enfance ? Ou encore à ses nuits ? « Les vagues, nous confie-t-elle un jour d’hiver, reviennent souvent dans mes rêves. » Il fallait donc bien qu’elle rencontre la plus grande : celle de Katsushika Hokusaï.

Katsushika Hokusai (1760-1849), La Grande Vague de Kanagawa, appelé aussi La Vague, c. 1831, estampe, 25,7 × 37,91 cm, collection Metropolitan Museum of Art. Domaine Public
Katsushika Hokusai (1760-1849), La Grande Vague de Kanagawa, appelé aussi La Vague, c. 1831, estampe, 25,7 × 37,91 cm, collection Metropolitan Museum of Art.

Amants raconte l’histoire de Lisa et Simon. Ils sont jeunes, beaux, amoureux. Elle suit des études d’hôtellerie ; lui est dealer dans les quartiers chics de Paris. Quand son client Pierre-Henri s’effondre après un shoot fatal, Simon abandonne brutalement la France et Lisa. Ils se retrouveront des années plus tard à Maurice. Entre-temps, Lisa a refait sa vie avec un homme d’affaires installé en Suisse…Discrètement, l’estampe de Hokusaï scande cette tragédie. Elle s’est imposée naturellement au fil de l’écriture, et Nicole Garcia en vint à s’interroger sur cette vague, si différente de celles de ses rêves. « La sensualité de la mer tient du mouvement. Aussi, cette vague figée a quelque chose de menaçant, de suspicieux. » Elle jaillit au détour d’un dialogue, lorsque Pierre-Henri propose à Simon d’aller au Musée Guimet. Simon refuse. Cependant, la nuit de l’overdose, le catalogue de l’exposition Hokusaï qui traîne chez Pierre-Henri aimante son regard. « Il considère cette vague, poursuit la cinéaste, et l’on se demande de quelles promesses de futur elle est porteuse. » Au dernier acte, dans une galerie de Zurich, La Vague est encore là, telle une prémonition. « Nous n’avions pas prévu dans le scénario de retrouver Hokusaï. Au tournage, il m’a pourtant semblé qu’il le fallait. » La séquence est tournée à Paris, rue de Téhéran, où Jean Frémon et la Galerie Lelong ont ouvert leurs portes aux Amants. « Ils ne vendent pas d’estampes habituellement. J’ai fait ajouter La Vague dans la réserve, pour que Simon la retrouve. Cette fois, elle nous parle du remords, tatoué sur sa peau. » La suite appartient au film. La Grande Vague de Kanagawa a sans doute été trop souvent reproduite, ajoute la cinéaste. Mais c’est aussi pour cela qu’elle fonctionne bien comme motif. » En se penchant plus près du monstre, on s’aperçoit que les pêcheurs paraissent sereins face à la déferlante. « Ils ont apprivoisé sa dimension menaçante, conclut Nicole Garcia, trouvé cette façon de faire corps avec elle. Tels les surfeurs que l’on voit épouser les remous. » Ainsi ces pêcheurs japonais ressemblent-ils aux héros de ses films, silhouettes qui nous apprennent à vaincre nos peurs pour trouver notre chemin dans le flux de la vie.

À savoir
Comédienne depuis la fin des années 1960, Nicole Garcia réalise Un week-end sur deux, son premier long-métrage, en 1990. Amants est le neuvième, après, notamment, Le Fils préféré (1994), Place Vendôme (1998), Un balcon sur la mer (2010) et Mal de pierres (2016). Tous ses films sont coécrits avec Jacques Fieschi. Comme actrice, on la reverra le 10 février en chamane dans L’Origine du monde de Laurent Laffite.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°740 du 1 janvier 2021, avec le titre suivant : Nicole Garcia face à la vague

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