Cinéma - En 1946, Kitagawa Utamaro a fait l’objet de l’un des plus grands films sur l’art : Cinq femmes autour d’Utamaro, de Kenji Mizoguchi.
Autre maître de l’estampe, Katsushika Hokusai est souvent cité par les cinéastes. Encore dernièrement, sa Grande Vague de Kanagawa revenait comme un motif dans Amants, de Nicole Garcia. Il y eut surtout, en 2015, Miss Hokusai, un beau film d’animation de Keiichi Hara centré sur l’une des filles de l’artiste. Néanmoins, le peintre lui-même n’avait jusqu’à présent jamais fait l’objet d’un long-métrage. Il revient donc à Hajime Hashimoto de retracer sa vie, de ses débuts à sa mort en 1849, au seuil de ses 90 ans. Utamaro, d’ailleurs, apparaît aussi dans ce film.
Talentueux, le très jeune Hokusai voudrait séduire et réussir. Mais son art ne transpire que de cette ambition. Pour le déstabiliser, le galeriste Juzaburo Abe va le confronter aux œuvres puissantes et engagées d’Utamaro. Perturbé, Hokusai errera longtemps dans les ruelles d’Edo. Dans cette première partie, le film nous rappelle le poids de la censure, le joug que la politique et les mœurs tentent d’imposer aux créateurs. Il évoque la valeur de ces quartiers de bohème où les artistes pouvaient se mêler aux bas-fonds, ou tout simplement aux gens. Le rôle aussi des maisons de geishas, lieux de plaisirs, qui laissent dans la nuit circuler l’art et la poésie. Hokusai couvre une longue période de temps et trouve sa poésie dans ce qui nous est montré autant que dans ses ellipses. Car le cinéma, art du montage, excelle à murmurer combien les années filent comme un souffle. C’est ainsi que toute jeunesse s’évapore, soudain. Il faudra longtemps à Hokusai pour devenir le grand artiste qu’il aspirait à être.
Au début des années 1830, il trace la silhouette de cette Grande Vague qui le propulse dans la postérité. Hajime Hashimoto reprend la splendeur des couleurs et la précision des cadres de Hokusai pour raconter les artistes face aux flots incertains du temps. Certains trouvent instantanément leur place. D’autres, tel Hokusai, s’égarent, repartent… Et cette vague ravageuse qui avale le mont Fuji s’est nourrie de ces hésitations. Elle signifie l’instabilité de toute vie, mais aussi la possibilité de trouver la paix et la beauté, tels ces pêcheurs, tranquilles dans la tempête du monde qui valse. L’ultime scène du film rassemble le jeune et le vieil Hokusai, réunis face à la vague. Qu’a-t-il cherché pendant près d’un siècle ? Peut-être ce qu’il était. Tout simplement.
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Hokusai en haut de la vague
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°764 du 1 mai 2023, avec le titre suivant : Hokusai en haut de la vague