Le Musée du Louvre accueille une vingtaine d’œuvres, dont certaines pièces très célèbres, de l’artiste italien Michelangelo Pistoletto.
De nombreux tableaux-miroirs, mais aussi des pièces iconiques telles la Vénus aux chiffons (1967), L’Étrusque (1976) ou le Mètre cube d’infini (1966-1973)… Michelangelo Pistoletto déploie une vingtaine d’œuvres au sein du Louvre en mettant l’accent sur son concept de « troisième paradis ».
Frédéric Bonnet : De par la nature de ses collections, le Louvre conduit à des rencontres de cultures et de civilisations telles qu’on en voit depuis toujours dans votre travail. Comment avez-vous abordé cette rencontre avec le musée et pensé votre exposition ?
Michelangelo Pistoletto : C’était une extraordinaire opportunité de pouvoir refléter le Louvre qui est le miroir de l’histoire ; toute l’histoire à travers l’art et les mythes est concentrée dans ce lieu. Ce que nous voyons comme perspective dans le tableau-miroir est une rétrovision, car apparaît un grand espace devant nous, mais également ce qu’il y a derrière nous : l’espace, mais aussi le passé. Donc en considérant une perspective venant de la Renaissance et en s’arrêtant à notre temps, le tableau-miroir ouvre la perspective dans les deux sens. Il faut s’éloigner du miroir pour y entrer ; plus vous vous en éloignez et plus vous vous voyez dedans. Et quel meilleur endroit que le Louvre pour établir ce moment de passage ? Les tableaux-miroirs nous placent dans le tableau, avec les images des œuvres venues du passé et celles des gens aujourd’hui. Ensuite nous avons la perspective d’un futur donnée par le « troisième paradis ».
Qu’est-ce que le « troisième paradis » ? Comment le définissez-vous ?
Nous venons du « deuxième paradis », qui a suivi le premier où les êtres humains étaient totalement intégrés dans la nature. Petit à petit nous nous sommes éloignés de la nature jusqu’au moment actuel, où nous vivons sur une planète tout à fait artificielle. Le « troisième paradis » est ce mouvement de connexion entre le premier et le deuxième, donc entre la nature et l’artifice. Nous ne parlons pas de courtes périodes, mais de temporalités à l’échelle de l’humanité. Son symbole nous montre les deux paradis précédents : les deux boucles à chaque extrémité, avec au centre un troisième cercle qui permet la fusion des deux. Ces deux extrêmes rassemblent aussi tous les autres, la polarité du passé et du futur, du bon et du mauvais. Tous les extrêmes doivent se croiser afin de produire un troisième élément qui est le nouveau paradis ; c’est donc un moment de prise de conscience et de responsabilité.
Dans votre ouvrage Le Troisième Paradis, vous écrivez que ce symbole sert de « guide vers un nouveau stade de civilisation ». De quelle manière ?
Oui, c’est le cas quand je parle spécifiquement de liberté, car l’art a atteint au XXe siècle un maximum de liberté. Plus vous êtes libre, plus vous devez être responsables, car la liberté seule ne tend vers rien et il faut la rééquilibrer avec la responsabilité. Liberté et responsabilité sont deux mots gagnés par l’art de notre temps, et il faut rendre public ce capital en montrant aux gens comment être plus libres et plus responsables. L’art doit donner à tout le monde la possibilité d’entrer plus activement dans l’art, avec une liberté majeure et une responsabilité majeure. Ainsi nous pourrons travailler à mieux nous comprendre et créer ensemble ces nouvelles conditions de civilisation.
Il y a dans le parcours une très belle installation abordant différentes religions (Le Temps du jugement, 2009), et l’on retrouve sur les remparts médiévaux la phrase « Aimez la différence » (2010) inscrite en néon dans une vingtaine de langues. Quel regard portez-vous sur la mondialisation ?
Je pense que se reconnaître dans les différences est la base. C’est aussi une façon de retrouver la culture dans ce système proposé par la nature. La nature montre que l’univers est fait de différences. La beauté de la vie sur Terre, on le voit, est caractérisée par toutes les différences, des fleurs, des plantes, des matériaux, des animaux, les rochers et le ciel… La différence est l’élément unifiant de tout ce qui existe. Si la politique est capable de se considérer comme un élément unifiant, on aura vraiment la capacité de créer une vraie démocratie.
Exposition Michelangelo Pistoletto - Année 1, le Paradis sur Terre, Musée du Louvre, 2013. - © Photo Antoine Mongodin.
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Michelangelo Pistoletto : « Vers le troisième paradis »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 2 septembre, Musée du Louvre, 75001 Paris, tél. 01 40 20 50 50, www.louvre.fr, tlj sauf mardi 9h-18h, mercredi et vendredi 9h-21h45. Catalogue coéd. Louvre/Actes Sud, 200 p., 39 euros.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Michelangelo Pistoletto : « Vers le troisième paradis »