Dynamique, la mégalopole mexicaine fait montre d’une belle activité avec l’ouverture de nouveaux espaces et une remarquable exposition personnelle de Fernando Ortega.
MEXICO - Un magnifique banc de piano trône seul face à un mur. Mais son coussin est remplacé par de l’huile de moteur qui donne à l’objet une présence captivante (Marea negra, 2008). Un gigantesque échafaudage vous conduit à l’autre bout de la galerie, sur un observatoire d’où l’on ne voit qu’une carte postale d’Acapulco… où les plongeurs ont déjà sauté (Momentos depués del clavado, 2005). Dans un court film, un enfant parle des chutes d’eau situées derrière lui pendant que des éclaboussures recouvrent peu à peu l’objectif de la caméra et brouillent complètement son visage (Salto de Eyipantla, 2001).
Subtile, c’est l’adjectif qui s’impose à l’évocation de l’exposition que consacre à Fernando Ortega le MUCA Campus, dans la ville universitaire de Mexico. En vingt-sept œuvres rigoureusement mises en espace, l’artiste mexicain nous convie à des moments, tant est forte la capacité d’attraction temporelle de son travail, où le visiteur interpellé attend l’accomplissement de quelque chose qui parfois ne se produit pas. À l’instar de cette goutte d’eau promise à s’écraser sur un tambour, mais qu’un ventilateur dévie inexorablement (Gotera 2, 2008), ou de cette autre qui mouille une boîte de crayons de couleurs (Gotera 1, 2005).
Avec un humour glacé qui s’acoquine à merveille avec son œil affûté et une sémantique à la précision extrême, Ortega invente mille actions, images ou dispositifs qui, inlassablement, perturbent l’ordre programmé des choses et provoquent des phénomènes que l’on n’attendait pas. Avec cette exposition, il s’impose comme un magnifique empêcheur de tourner en rond.
L’ouverture de son exposition le 27 novembre faisait suite à l’inauguration la veille, à quelques encablures de là, d’un nouveau musée d’art contemporain, le Museo Universitario Arte Contemporáneo (MUAC).
Destiné à abriter la collection composée depuis la fondation de la cité universitaire autonome de Mexico, en 1952, et déjà riche de 1 138 œuvres, mexicaines pour l’essentiel, l’édifice gagne en impact ce qu’il risque de perdre en efficacité.
Conçu par Teodoro González de León, le bâtiment de plan circulaire offrant deux niveaux et une surface globale de 13 947 m2 apparaît démesuré. Certes, sa façade en verre inclinée vers l’avant crée un très fort appel visuel, et ses aménagements intérieurs à la simplicité fonctionnelle en font un outil utile. Toutefois, le parcours entre les espaces d’exposition apparaît malaisé, dans de gigantesques couloirs à l’aspect identique qui font perdre tout repère. Surtout, son immensité – jusqu’à 12 mètres de hauteur sous plafond à certains endroits – écrase nombre d’œuvres et exigera un budget d’entretien plus que conséquent.
Des quatre expositions proposées pour l’ouverture, deux retiennent plus particulièrement l’attention : le regard poétique et politique du regretté Olivier Debroise, décédé il y a quelques mois, qui, avec ses Ressources incontrôlables et autres déplacements naturels, avait conçu un bel accrochage traitant des tiraillements entre la nature et une pratique artistique mécanique, avec Richard Long, Ernesto Neto, Thomas Glassford, Pablo Vargas Lugo… De son côté la curatrice Jimena Acosta, avec « Les Lignes de la main », s’intéresse à la façon dont les artistes abordent les mécanismes capitalistes en subvertissant les canons esthétiques.
Exercice collectif
Riche en événements, la même semaine a vu à Mexico l’ouverture du nouvel espace de la galerie Kurimanzutto. Après neuf années de nomadisme voulu et revendiqué, elle vient de se fixer dans une ancienne fabrique de bois réaménagée par l’architecte Alberto Kalach, dans le quartier de San Miguel Chapultepec, à deux pas de la Galería de Arte Mexicano, la plus ancienne de la ville.
Avec un vaste espace d’exposition principal, où sont mis en valeur charpente et lumière naturelle, l’enseigne trouve là un lieu pérenne et adéquat. Les vingt-deux artistes qu’elle représente sont réunis dans un accrochage inaugural où toutes les œuvres sont installées sur les étagères d’une trentaine de bibliothèques métalliques, toutes identiques. Cet exercice collectif, où nulle œuvre ne peut ignorer sa voisine, comporte quelques surprises, comme les valises pleines d’objets érotisés et de poupées tatouées par Dr Lakra. En termes d’occupation de l’espace, c’est Abraham Cruzvillegas qui se taille la part du lion, avec un collier fait de plus de quatre cents noix de coco qui déborde largement de son étagère jusqu’à se répandre bien au-delà.
SELECCIÓN 2000-2008, FERNANDO ORTEGA, jusqu’au 15 mars, MUCA Campus, Circuito interior, Ciudad Universitaria, Mexico, tél. 52 55 5622 0305, tlj sauf lundi 10h-18h. Catalogue, coéd. Turner/MUCA, 192 pages, ISBN 978-968-9056-41-6.
Quatre expositions, Museo Universitario Arte Contemporáneo, Insurgentes Sur n°3000, Centro Cultural Universitario, UNAM, Mexico, www.muac.unam.mx.
EXPOSICIÓN INAUGURAL, jusqu’au 14 février, Kurimanzutto, Gob. Rafael Rebollar 94, Col. San Miguel Chapultepec, Mexico D.F., Tél. 52 55 5273 3137, www.kurimanzutto.com, tlj sauf dimanche-lundi 11h-18h.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Mexico en mouvement
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : Mexico en mouvement