Sortir du métro à la station Couronnes et déboucher sur le boulevard de Belleville (11e arr.) un matin de marché est une expérience réjouissante. Tous les parfums d’Orient, toutes les senteurs d’Afrique se mêlent là.
Marché coloré au fil des allées duquel un bruissement de langues venues d’ailleurs compose des sonorités incitant à tous les voyages. Les citoyens du monde que nous sommes s’y sentent immédiatement chez eux…
Voilà une chance que vont saisir les 62 étudiants, venus d’ailleurs eux aussi, qui viennent tout juste de poser leurs sacs dans les 62 logements que leur a concoctés l’architecte Brigitte Métra, à l’angle de la rue de la Fontaine-au-Roi et de la rue du Moulin-Joly (1). En lieu et place du vieux garage gris aux menuiseries métalliques rouillées s’élève dorénavant une sorte de grand vaisseau, bardé de stores horizontaux en acier laqué et dont la proue est traitée tout en rondeur. Rouges les stores métalliques, alternant le bordeaux, le brique et l’orangé, et composant comme un arc-en-ciel monochrome dont les infinies variations peuvent se lire comme un hommage rendu à la mixité, à la diversité du quartier. Côté cour s’étire un long jardin linéaire, qui introduit une certaine sauvagerie dans cet environnement de rigueur et d’harmonie. Et un jeu de coursives conduit aux logements, lesquels sont de ce fait, à double orientation : regard sur la rue ou sur le jardin au gré de l’humeur…
Brigitte Métra n’a pas lésiné sur les volumes et les surfaces, les « expansant » par ses larges ouvertures et, en quelque sorte, neutralisant les limites par l’utilisation du béton brut et de la lumière blanche. Quant au mobilier, un contreplaqué bouleau qu’elle a dessiné, il est d’une fluidité extrême, monté sur roulettes et déplaçable à volonté.
Manque abyssal
Un peu en contrebas, sur le trottoir d’en face (2), s’élève un autre bâtiment rouge, à la façade composée de losanges en Éternit, aux bords soulignés de jaune et dû, celui-ci, à l’architecte Laurent Niget. Une forme et un traitement très différents de ceux de Brigitte Métra, mais tout aussi réussis et qui concernent, ici, 46 logements pour étudiants.
Métra et Niget, tous deux anciens de chez Jean Nouvel, œuvrent pour le compte de la Semidep (Société d’économie mixte immobilière interdépartementale de la région parisienne) en livrant ces deux ensembles qui sont gérés par le Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires). Deux réalisations exemplaires et qui viennent partiellement combler le manque abyssal de logements étudiants à Paris et dans toute la France. Rien d’étonnant à l’heure où la population étudiante est en augmentation constante (2,3 millions d’étudiants en France aujourd’hui), à constater que le Grand prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts (3), ouvert aux étudiants en architecture et aux jeunes architectes de moins de 35 ans, et doté de trois prix imposants (20 000, 9 000 et 4 000 euros), ait justement pour thème le logement étudiant.
Quoi qu’il en soit, pour les 108 étudiants dorénavant logés rue de la Fontaine-au-Roi, l’environnement immédiat s’annonce joyeux et coloré. À tout petit prix s’offrent toutes les musiques et toutes les cuisines du monde : casher, chinoise, congolaise, cubaine, française, malienne, marocaine, thaïlandaise, vietnamienne… Sans oublier, un peu plus haut sur le boulevard, Le Zèbre de Belleville, avec ses concerts en tous genres, son cabaret-cirque, ses rencontres impromptues…
(1) 91, rue de la Fontaine-au-Roi, 75011 Paris
(2) 88, rue de la Fontaine-au-Roi, 75011 Paris
(3) www.academie-des-beaux-arts.fr
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Métra et Niget - Études colorées
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°346 du 29 avril 2011, avec le titre suivant : Métra et Niget - Études colorées