En cette fin d’année 2021, le travail de Martha Wilson, dont la reconnaissance croît depuis le début du siècle, est (enfin !) mis à l’honneur à Paris.
Le Centre Pompidou lui consacre une exposition monographique qui rassemble des pièces « donnant à voir la mise en place des gestes radicaux de l’artiste », à Halifax (Canada) entre 1972 et 1974, tandis que la galerie mfc-michèle didier présente un ensemble de vidéos dans lesquelles elle performe des personnalités politiques, mis en regard d’une sélection d’œuvres d’artistes qui ont influencé son travail. La publication par la galerie de Journals, extraits des journaux intimes de l’artiste entre 1965 et 1983, permet également, par une plongée dans ses réflexions d’alors, de mettre en perspective la manière dont a débuté son œuvre pionnier et à l’actualité indéniable.
Breast Forms Permutated (1972), la première œuvre de Martha Wilson, tourne en dérision les principes de permutation et de répétition développés à l’époque par les artistes conceptuels. Sous forme de grille, elle fait un inventaire photographique des différentes formes de seins (des petits aux gros, des coniques aux sphériques…) avec au milieu une paire « parfaite », à savoir conforme aux canons de beauté de l’époque. Le ton est donné. Tout son œuvre sera empreint d’ironie, aussi subtile qu’incisive. Née en 1947, dans une communauté quaker, Martha Wilson quitte les États-Unis en 1969 pour s’installer à Halifax (Canada), où elle poursuit des études de littérature anglaise et devient rapidement enseignante de la même discipline au Nova Scotia College of Art and Design.
C’est à ce moment-là qu’elle élabore un langage artistique qui ne la quittera plus : l’utilisation de sa subjectivité et la mise en scène de son propre corps. Dès le départ, elle traite le langage comme un matériau, qu’elle mêle à l’image – photographique ou vidéographique – pour créer des œuvres conceptuelles aux multiples strates. En témoigne sa série Posturing, dans laquelle elle crée des doubles faux-semblants, en se représentant par exemple comme « une femme habillée en homme qui tente de ressembler à un homme ». Martha Wilson questionne les stéréotypes, notamment de genre, qui régissent la société, comme dans A Portfolio of Models, où elle se met en scène sous forme d’archétypes féminins (la femme au foyer, la déesse, la lesbienne…).
À la même période, toujours à Halifax, elle fait des rencontres décisives, notamment avec Vito Acconci et Lucy Lippard. La critique d’art pionnière des pratiques artistiques conceptuelles féministes décide de l’inclure dans une exposition collective. Un monde s’ouvre alors à Martha Wilson, qui découvre que d’autres femmes partagent ses questionnements et ses expérimentations. Désormais installée à New York pour assumer son travail artistique, elle s’investit dans la scène artistique bouillonnante de Downtown Manhattan et développe une pratique performative et collective. Elle cofonde en 1976 Franklin Furnace, un lieu autogéré par des artistes et pionnier dans la promotion des livres d’artistes et des pratiques performatives, puis Disband, un groupe de musique punk composé d’artistes femmes qui ne savent jouer d’aucun instrument. Martha Wilson, pour qui « tout ce que nous faisons est politique », a toujours vécu en phase avec son époque. Dès les années Reagan, puis au fil des différents mandats présidentiels, elle s’est grimée en First Lady, rôle social aliénant pensé comme un modèle. Toujours avide d’expérimentation, elle poursuit sa pratique du travestissement et du détournement en s’emparant des possibilités offertes par les nouvelles technologies. Son travail, aussi potache que corrosif, n’a pas pris une ride !
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Martha Wilson
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°749 du 1 décembre 2021, avec le titre suivant : Martha Wilson