PARIS
Le centre d’art qui a le statut d’une société commerciale va bénéficier d’une subvention exceptionnelle de 1,5 million d’euros lui permettant d’éponger en partie le déficit de 2020.
Le titre de cet article est un peu provocateur, le gouvernement n’aurait bien sûr jamais laissé le tribunal de commerce décider de l’avenir du Palais Tokyo. Techniquement, cela aurait été pourtant possible. Le fleuron des centres d’art a la particularité d’être une société par actions simplifiée avec un actionnaire unique (Sasu), l’État. Autre singularité, le Palais de Tokyo s’autofinance en moyenne à hauteur de 63 %. Mais, comme pour toutes les entreprises du secteur culturel, le compte d’exploitation prévisionnel du Palais plonge dans le rouge en 2020. Selon son directeur général Christopher Miles, les recettes devraient chuter de plus d’un tiers par rapport à 2019, soit un manque à gagner de 4 millions d’euros.
Toutes les recettes sont affectées dans les mêmes proportions, à commencer par la billetterie, qui rapporte en moyenne 1,8 million d’euros avec des « pointes » à 2,4 millions d’euros, comme ce fut le cas en 2018 lors de la carte blanche donnée à Tomás Saraceno (400 000 visiteurs). La baisse de chiffre d’affaires touche cependant avant tout la location des espaces, qui a rapporté 3,4 millions d’euros l’an dernier, une véritable rente pour le centre d’art situé dans les beaux quartiers parisiens, disposant d’immenses espaces et d’une image trendy très flatteuse.
Le flux de visiteurs drainés par les quelque 166 événements commerciaux qui se sont tenus dans les lieux en 2019 vient remplir les restaurants concédés à des tiers qui versent en échange une redevance confortable à la Sasu. En 2019, ces redevances, complétée par celle versée par Climespace, une filiale d’Engie qui occupe une surface de 2 200 mètres carrés dans les sous-sols du Palais et produit du froid, se sont élevées à 2,2 millions d’euros.Une bonne nouvelle vient cependant réchauffer l’ambiance. Le tribunal de commerce (!) a décidé de confier la gestion du restaurant Les Grands Verres (celui qui donne sur l’avenue du Président-Wilson), dont la société concessionnaire a déposé le bilan en 2019, à Paris Society, qui gère l’autre restaurant, celui qui donne sur la Seine (Monsieur Bleu).
Emma Lavigne, la présidente du Palais, a présenté au conseil d’administration qui s’est tenu début juillet un résultat d’exploitation prévisionnel déficitaire de 3 millions. Grâce à diverses mesures d’économies induites par la fermeture durant le confinement et le report à 2021 de la « Carte blanche à Anne Imhof » qui devait se tenir cet automne, la perte de chiffre d’affaires est en partie compensée par une réduction des charges. Le Palais va ensuite puiser 1,5 million d’euros dans son fonds de roulement (alimenté par un bénéfice cumulé de 2,6 millions d’euros depuis 2013) et recevoir 1,5 million d’euros de subvention exceptionnelle de l’État pour atteindre l’équilibre. On observera que le Palais de Tokyo a reçu la même somme que le fonds d’aide d’urgence géré par le Cnap et à destination de milliers d’artistes-auteurs.
Avant même la crise du Covid-19, Emma Lavigne était consciente de la trop grande dépendance économique du centre d’art au produit de la privatisation des lieux, comme du manque à gagner lié à la fermeture des salles d’exposition en raison de ces privatisations. Elle aimerait ramener les 165 jours de fermeture des expositions par an à 100-120 jours. Un chiffre lui donne raison. Depuis sa réouverture, le Palais de Tokyo accueille déjà 450 visiteurs par jour environ, contre 1 000 à 2 500 en période normale. Et, contrairement à certains grands musées très dépendants des touristes, le public du Palais est surtout francilien ou hexagonal.
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L’État sauve le Palais de Tokyo du dépôt de bilan
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°549 du 3 juillet 2020, avec le titre suivant : L’État sauve le Palais de Tokyo du dépôt de bilan