Une simple ampoule prisonnière d’un bloc de verre, comme si le filament avait été soudain cerné par les glaces... C’est avec sa lampe Block (Design House Stockholm) que le designer finlandais Harri Koskinen s’immisça sur la scène internationale, en 1996. L’objet a évidemment tout pour plaire : il allie la clarté et la modestie de l’esthétique scandinave à une image plus qu’emblématique de ces contrées nordiques, ses paysages gelés. Cet éloge de la simplicité caractérise à merveille le langage que Koskinen développera par la suite : des lignes presque lisses et néanmoins délicates, et surtout un formidable travail de dessin. Pas étonnant si la firme nippone Muji, connue pour sa volonté de promouvoir une création « anonyme », fera appel à lui, notamment pour un service à thé en porcelaine blanche, diaphane à souhait. Il en est de même avec sa toute nouvelle collection d’objets pour la table qu’il vient de dessiner pour le fabricant finlandais Arabia et qui, à l’issue de deux années de mise au point, est sortie en octobre dans le commerce. La ligne, qui mélange quatre matériaux – céramique, verre, chêne et aluminium –, est des plus sobres. Or, si, au premier coup d’œil, les formes paraissent basiques, l’ensemble des pièces – 20 au total – dissimule en réalité moult détails attentionnés. Car Koskinen fait une grande différence entre ces ustensiles avec lesquels l’homme se nourrit et les autres, meubles ou objets. « Lorsque vous êtes assis dans un fauteuil, par exemple, explique le designer, il s’agit d’une sorte de cadre qui vous apporte une certaine qualité de soutien et de confort, voire quelque plaisir esthétique. A contrario, les ustensiles et autres services destinés à la table se retrouvent devant vous tous les jours car vous les utilisez quotidiennement pour vous nourrir. Le contact avec votre corps est donc beaucoup plus proche. Il y a une notion de proximité, voire d’intimité ». D’où le nom choisi pour cette collection d’ailleurs, « Oma », qui en finnois signifie « à moi » ou plus exactement « qui m’appartient en propre ». C’est précisément cette « proximité » qui motive Koskinen : « Le monde des arts de la table est le domaine qui m’intéresse le plus et dont je me sens le plus proche », souligne-t-il.
Les amis de l’industrie
Né en 1970 à Karttula, dans l’Est de la Finlande, Harri Koskinen a fondé sa propre agence, baptisée avec humour Friends of Industry [« Les amis de l’industrie »], à Helsinki en 2000. Une année-clé pour le créateur qui décroche alors, en Finlande, le titre de « Jeune designer de l’année ». « L’année 2000 a été pour moi un tournant dans mon parcours, raconte Koskinen. J’ai été invité par le styliste Issey Miyake à venir faire une exposition personnelle dans sa propre galerie, à Tokyo, puis tout s’est enchaîné… » Pour Miyake, il imagine notamment une série de flacons de parfums – L’eau d’Issey – et deux collections de montres – Vario et Vakio –. Depuis, le designer est devenu une vraie vedette au Japon. Les médias se l’arrachent, tout comme les entreprises (notamment Muji, Nextmaruni, Panasonic, Lisn, Seiko Instruments…). Lui garde la tête froide, empoche, en 2004, un Compasso d’Oro, plus grande récompense du design transalpin, pour l’élégante chaise Muu (Montina) et, l’année suivante, revisite sans complexe la mythique bouteille de vodka finlandaise Koskenkorva (Altia), jadis dessinée par le maître Tapio Wirkkala.
Reste un produit que Koskinen n’a encore jamais dessiné mais qu’il adorerait concevoir : un vélo. « Parce que c’est un objet vraiment complexe qui concentre tous les problèmes que devrait savoir résoudre un designer », dit-il. Et pour lui, « chaque projet se présente un peu comme une équation, un problème à résoudre ». Pour peu, il paraphraserait Gide : « Il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des solutions. »
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L’esthétique de la proximité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°268 du 2 novembre 2007, avec le titre suivant : L’esthétique de la proximité