PANTIN
L’agence de publicité BETC a mis à disposition une partie de ses locaux à Pantin pour présenter des expositions d’art contemporain exigeantes et organiser des ateliers, résidences et concerts. Toutes activités qui rencontrent l’adhésion des habitants du quartier, notamment les jeunes.
Pantin (Seine-Saint-Denis). Installée depuis 2016 aux portes de Paris, à Pantin, l’agence de publicité BETC y a lancé l’année suivante un ensemble d’activités liées à l’art – expositions, ateliers, résidences, concerts… – en accès libre et gratuit. Fort de cette expérimentation de plusieurs années, ce lieu culturel, baptisé « Magasins généraux » (d’après le nom de l’ancien bâtiment industriel des années 1930 occupé par l’agence), vient de se doter officiellement d’un trio de directeurs, Julia Dartois, Anna Labouze et Keimis Henni, pour entrer dans une nouvelle phase de son développement. Des priorités ont été définies – notamment la présence systématique dans les expositions d’une équipe de médiation – et un calendrier a été établi autour de quelques grands rendez-vous, dont des expositions monographiques et collectives, un festival « d’art et d’idées » et une programmation musicale.
Pourquoi investir dans une offre culturelle quand on est une agence de publicité ? La stratégie relève autant de l’opportunité créée par l’architecture du lieu – où l’agence, locataire, a souhaité ménager un vaste espace libre en rez-de-chaussée – que d’une nécessité, explique Rémi Babinet, président et fondateur de BETC. L’installation dans ce quartier en mutation incitait en effet selon lui à ne pas rester en « autarcie complète », mais plutôt à tenter de « s’ouvrir ».
L’engagement pour la culture est aussi une question de conviction personnelle, affirme le PDG, rappelant que l’agence s’implique fréquemment dans le mécénat de compétences, comme elle a pu le faire par exemple en offrant ses services à la Philharmonie voisine. Mais c’est aussi parce que le BETC revendique d’être une agence de pub différente et très créative : son activisme culturel est donc bénéfique pour son image de marque, qu’il s’agisse de séduire de futurs clients ou de recruter de jeunes diplômés. Le coût de cette opération à l’année ? « C’est un investissement en termes d’équipe – environ dix personnes si on comptabilise les stagiaires – et en termes de mètres carrés, bien que les privatisations permettent de rentabiliser l’espace dédié », répond Rémi Babinet, qui préfère cependant rester discret sur les montants exacts. Ce choix budgétaire constitue d’ailleurs un sujet parfois « délicat » à justifier en interne. Les Magasins généraux, à l’image de n’importe quel centre d’art, montent aussi des partenariats pour compléter leur financement (par exemple à la Fondation Hermès), et produisent des expositions en collaboration avec d’autres lieux.
Reste que le pari semble réussi puisque le lieu, avec plus de 200 000 visiteurs accueillis en cinq ans, a trouvé son public, en grande partie local. Celui-ci est particulièrement jeune (âgé entre 18 et 36 ans, précise Anna Labouze). Les Magasins généraux prennent ainsi part au développement de la vie d’un quartier dont on perçoit aujourd’hui la grande densité sur le plan culturel. L’axe du canal de l’Ourcq, comme le montre un plan réalisé par l’agence, apparaît telle l’épine dorsale d’un territoire riche en institutions (depuis le parc de la Villette avec la Philharmonie, jusqu’aux Réserves du Frac d’Ile-de-France installées à Romainville…), mais aussi en associations, en théâtres, en salles de concert et même en galeries (Thaddaeus Ropac à Pantin…). Les initiatives originales n’y manquent pas : en 2021, les Magasins généraux ont ainsi participé à la première édition d’« Un kilomètre de danse », journée festive multiculturelle organisée par le Centre national de la danse – dont Rémi Babinet préside le conseil d’administration.
Le lieu créé par BETC s’est aussi forgé une réputation de défricheur et a été identifié comme tel par nombre de professionnels de l’art. L’artiste Jeanne Vicérial, à laquelle Anna Labouze & Keimis Henni ont confié les 800 mètres carrés du rez-de-chaussée pour sa première exposition personnelle d’envergure en 2021, a été repérée par la Galerie Templon, qu’elle a, depuis, intégré. Tout comme Mégane Brauer, qui a fait ses premiers pas aux Magasins en 2022 avant de rejoindre la galerie Air de Paris.
Tandis que Julia Dartois assure la partie administrative de la gestion du lieu, la direction artistique est la prérogative d’Anna Labouze & Keimis Henni. Ces deux-là ont fondé en pleine pandémie « Artagon », une résidence d’artistes aujourd’hui basée à Marseille, Orléans et Paris, qui accompagne les jeunes créateurs grâce à un programme pédagogique complet (subventionné par des fonds publics et privés).
Le recrutement de ce duo (rencontré en 2017 autour d’un projet d’exposition thématique) est l’un des atouts-clefs des Magasins généraux. Casting judicieux en effet car Artagon est un lieu ressource pour la création émergente autant qu’un poste d’observation de celle-ci. Anna Labouze & Keimis Henni ont acquis une expérience qu’ils mettent au service des Magasins généraux, lesquels offrent une visibilité à leur connaissance d’une scène en devenir. Celle-ci sera d’ailleurs au cœur de l’exposition collective de l’été, réunissant une dizaine de talents français exposés en grand pour la première fois. Avant cela, c’est l’artiste Hugo Servanin qui sera invité pour la grande exposition monographique de 2023 qui se déploie au rez-de-chaussée de l’agence BETC. Celle-ci est peut-être en train d’inventer un nouveau modèle de lieu culturel en marge du marché et des institutions, entre amateurisme éclairé et pragmatisme professionnel.
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Les Magasins généraux, un centre culturel d’un nouveau genre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°603 du 20 janvier 2023, avec le titre suivant : Les Magasins généraux, un centre culturel d’un nouveau genre