« Pas si facile de trouver un objet qui soit commun à nous deux », explique dans un éclat de rire Dominique Jakob du tandem de l’agence Jakob MacFarlane.
Rien d’étonnant à cela : les deux personnalités qui forment ce duo d’architectes, signataires de bâtiments aux lignes futuristes, à l’image du Frac Centre à Orléans ou des cubes orange et vert à Lyon, ou encore de la Cité de la mode et du design à Paris, sont absolument différentes et totalement complémentaires. Dominique, brune piquante à l’esprit vif, a été élevée en Afrique et aux États-Unis. Elle incarne le pôle « pieds sur terre » de cette équipe de choc. Grand et filiforme, bavard comme pas deux, s’exprimant avec un accent à couper au couteau, Brendan qui a grandi en Nouvelle-Zélande adore, lui, partir dans des loopings oratoires et tracer des plans sur la comète. Dominique complète ses visions et tous deux créent des formes qui semblent sorties d’un roman de science-fiction. Chez eux, l’imagination prend le pouvoir, tout en s’appuyant sur des bases solides : leur travail explore les technologies digitales afin de créer un environnement plus responsable tout en offrant aux gens un cadre et une expérience inhabituelles : « Finalement, l’objet que nous partageons, depuis notre rencontre à l’École d’architecture en 1992, ce sont les carnets de dessins que nous remplissons au cours de nos voyages d’étude. Des carnets de tailles différentes selon la destination et le mode de déplacement que nous adoptons. On a longtemps parcouru la planète sac à dos ! », souligne, malicieusement, un Brendan à l’allure juvénile.
Ces deux-là connaissent bien leurs classiques : « Dès notre rencontre, nous nous sommes rendus sur les grands sites qui ont fait l’histoire de l’architecture. Aussi, notre première destination fut-elle la Grèce et les temples du Péloponnèse. Nous ne prenons pas d’appareil photographique afin de mieux transposer nos émotions », déclare Dominique, qui garde, par ailleurs, une grande nostalgie de l’architecture des pays nordiques : « Je me souviendrai toujours de la Chapelle de la forêt, cosignée Gunnar Asplund et Sigurd Lewerentz, en Suède, près de Stockholm, et dont la forme alternait les pleins et les vides et jouait autant avec la lumière qu’avec les arbres alentour qui s’inscrivaient, eux-mêmes, comme des colonnes dans la perspective du bâtiment. Une symbiose entre le paysage et l’architecture extrêmement originale. » Et Brendan d’enchérir : « On a aussi été fasciné par la Villa Maera, la maison de vacances expérimentale d’Alvar Aalto située dans l’île de Muuratsalo (Finlande) au bord d’un lac. Plus tard, en Nouvelle-Zélande, notre attention s’est portée sur les petites constructions temporaires, souvent très colorées, réalisées avec des matériaux de récupération, et qui se trouvent dans des lieux magnifiques. C’est une merveille d’invention et d’art populaire ! À Marseille, cela porte le nom de cabanon, là-bas cela s’appelle des batches. » De leurs nombreux pèlerinages, ces esprits curieux ont rapporté une quarantaine de carnets. Ils constituent une collection précieuse, l’aide-mémoire de leurs décryptages sur le vif : « Sur ces sites fameux, on vit une expérience spatiale essentielle, on voit comment l’architecture s’inscrit dans le paysage », explique Dominique, qui raconte y croiser, parfois, d’autres collègues. Aussi, apprécient-ils les carnets de dessins de Louis Kahn, auteur, entre autres, du Salk Institute à San Diego en Californie, et qui synthétisait ses projets en quelques coups de craie, ou ceux de Jørn Utzon qui a dessiné l’opéra de Sydney. Cet été, nos deux voyageurs ont sillonné l’Islande, dépourvue, pour le coup, de monuments iconiques. « On a traversé des paysages désertiques d’où émergent, telles des constructions naturelles, des volcans avec, pour horizon, le ciel à perte de vue », raconte Brendan, qui avoue n’avoir qu’un regret : ne pas s’être encore rendu en Égypte au pied des pyramides !
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Les carnets de Jakob MacFarlane
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : Les carnets de Jakob MacFarlane