ROME / ITALIE
En Italie, un rapport présenté par le ministre de la Culture se penche sur la place au-delà des frontières de la Péninsule des artistes nés après 1960.
Rome.« Quelle est la (re)connaissance de l’art italien à l’étranger ? », telle est la question à laquelle tente de répondre un rapport de 200 pages de la société BBS-Lombard. Pas moins de 230 000 artistes, 30 000 musées et 3 600 villes ont été passés au crible d’un logiciel d’intelligence artificielle. Ses résultats ont été présentés par le ministre de la Culture italien, Dario Franceschini, au palais Bonaparte en plein cœur de Rome, propriété de l’assureur Generali.
Les « Italian sales » font déjà le bonheur des salles des ventes londoniennes de Sotheby’s et Christie’s depuis 1999. Mais ce n’est pas sur la notoriété de Lucio Fontana ou de Giorgio Morandi que les auteurs du rapport ont planché. Ils ne se sont intéressés qu’aux artistes nés après 1960, écartant l’Arte povera, dernier mouvement artistique transalpin d’envergure internationale. Excluant de même le cas particulier de Maurizio Cattelan. Vingt-quatre commissaires d’exposition italiens ont ainsi été interrogés en introduction du rapport afin, selon ses auteurs, de « prendre le pouls du système sur le terrain ». Il bat très lentement en Italie où les artistes sont bien peu soutenus par les institutions culturelles, ce qui explique l’expatriation de la plupart d’entre eux. Monica Bonvicini, Enrico David, Rosa Barba, Paola Pivi ou encore Roberto Cuoghi figurent parmi les noms les plus en vue. Tous vivent ou ont vécu à l’étranger.
Le rapport brosse un tableau en demi-teinte de la visibilité des artistes italiens. Certes ils sont présents dans 51 des 76 collections permanentes des musées internationaux sélectionnés. Un chiffre en trompe-l’œil. « C’est un fait significatif qui prouve que l’art italien est mûr pour être acquis par de grands musées, expliquent ses auteurs, mais son poids est plus faible au sein des grands rendez-vous culturels comme la Documenta de Cassel, qui saisit l’air du temps. » Aucun Italien n’a ainsi été retenu pour la prochaine édition qui ouvrira en juin [la Documenta a lieu tous les cinq ans] alors qu’ils sont habituellement en moyenne 3 %. « Les curateurs internationaux ne sont pas suffisamment informés sur notre scène artistique. Il faut effectuer un travail de coordination pour lui donner plus de visibilité comme ce fut le cas pour l’Arte povera. » Concernant la Biennale d’art de Venise, de 2009 à 2019, 5 % en moyenne des artistes avaient le passeport italien. Ils seront 12 % lors de la Biennale qui ouvrira ses portes le 23 avril, mais la commisaire générale, Cecilia Alemani [lire p. 25], est une compatriote.
Un constat identique pour les galeries internationales. Sur les 831 analysées, 135 exposent 137 artistes nés après 1960. Au moins 16,2 % d’entre elles soutiennent un artiste italien contemporain, mais là encore il s’agit de galeries fondées par un artiste italien ou ayant des liens historiques étroits avec la Péninsule. Sur le plan de la couverture médiatique mondiale, sur 5 millions d’articles examinés en 2021 par la société Articker, 7 % étaient consacrés à des artistes italiens toutes périodes confondues. Cela les place en cinquième position derrière les Américains, les Chinois, les Anglais et les Français. Le poids médiatique des seuls artistes contemporains (hors Cattelan rappelons-le) ne dépasse pas 1,9 %. Une faible influence qui se manifeste également dans les résultats des ventes aux enchères. Ceux des artistes contemporains italiens étaient supérieurs à ceux des Français et des Allemands en l’an 2000. En 2021 ils sont 8 fois inférieurs à ceux des premiers et 5 fois inférieurs à ceux des seconds.
« Il faut soutenir fiscalement les jeunes artistes, préconisent les auteurs du rapport, en donnant un cadre juridique et fiscal à leurs œuvres pour mieux les restaurer et les préserver. Il faudrait adopter le modèle français pour promouvoir les galeries avec un système fiscal qui permet de saisir les opportunités offertes par le Brexit. Il faut enfin une véritable collaboration entre les différents acteurs publics et privés du système de l’art avec une coordination de l’État, qui manque. » Le ministre de la Culture l’a reconnu. « Par le passé nous avons fait trop souvent l’erreur de ne penser qu’au patrimoine sans investir sur le présent et sur l’Italie contemporaine riche de talents, a déclaré Dario Franceschini. Il est essentiel de soutenir l’art contemporain surtout après les difficultés infligées par la pandémie au secteur culturel. »
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Les artistes italiens manquent de visibilité à l’international
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°587 du 15 avril 2022, avec le titre suivant : Les artistes italiens manquent de visibilité à l’international