Les ambassadrices de charme du Louvre

« Qui nous délivrera des Grecs et des Romains ? », se demandait déjà Baudelaire en 1852 : « Depuis quelque temps, j’ai tout l’Olympe à mes trousses, et j’en souffre beaucoup ; je reçois des dieux sur la tête comme on reçoit des cheminées. » N’en déplaise au poète, en cette rentrée 2023, les déesses et les nymphes ont toujours la cote. Les traits des égéries Lancôme (la mannequin chinoise He Cong, les actrices américaines Zendaya et Amanda Seyfried, la chanteuse française Aya Nakamura) se confondent en effet pour les besoins d’une opération de marque avec ceux de la Victoire de Samothrace, de la Vénus de Milo, de Diane de Gabies et de la poétesse grecque Korinna , beautés marmoréennes exposées au Louvre. Une somptueuse campagne publicitaire tournée notamment dans la galerie Richelieu et une édition limitée de fards célèbrent la rencontre de la cosmétique et des canons classiques. Faut-il s’en étonner ? L’antique n’en finit pas d’être à la mode. En 2018, on s’en souvient, la chanteuse Beyoncé et le rappeur Jay-Z avaient déjà choisi le Louvre comme décor de leur clip Apeshit, avec la Victoire de Samothrace en guest-star. Cette fois encore, en mettant en scène des icônes vues comme des « représentations de la force et du pouvoir féminins », le plus prestigieux des musées sert autant sa promotion que celle de la maison Lancôme. Ce fleuron du groupe L’Oréal prévoit de diffuser son message « dans le monde entier à partir de septembre, avec une forte visibilité à la télévision, en affichage, ainsi que sur les réseaux sociaux ». O tempora, o mores… La poétesse grecque Korinna), héroïne romantique qui inspira le roman de Madame de Staël (Corinne ou l’Italie, 1807), donne aujourd’hui son nom à une palette d’ombres à paupières dont chaque nuance, de la teinte péridot de la cour Puget à la lumière cuivrée de la Cour carrée, en passant par la gamme de roses du Palais Royal, se veut un hommage à la beauté.