Quatre ans après son décès, ce peintre d’origine serbe continue d’irriguer la scène artistique française. Pourquoi ? Comment ? Retour sur un artiste parfois méconnu auquel l’Académie des beaux-arts vient de rendre hommage.
Le 29 août 2019, Vladimir Veličković s’éteignait à l’âge de 84 ans. À Belgrade, sa ville natale, le peintre a reçu les honneurs officiels, avec une commémoration en présence de tous les ministres. Puis, il a été enterré dans l’allée des grands hommes. Egalement membre de l’Académie des arts et des sciences de Serbie, l’artiste a reçu, à titre posthume, la plus grande distinction de l’État serbe. Attaché à Belgrade, Vladimir Veličković y était très actif : il avait été nommé en 2007 commissaire du pavillon de la Serbie à la Biennale de Venise et, en 2009, avait créé le Fonds Vladimir Veličković pour le dessin, destiné à récompenser de jeunes artistes serbes. En outre, depuis 2017, la municipalité serbe s’est attelé à un ambitieux projet d’une galerie-fondation, dans laquelle un étage serait consacré à l’œuvre de Vladimir Veličković. Enfin, un autre lieu devrait permettre d’accueillir des expositions temporaires consacrées à la scène contemporaine serbe et internationale. Autant de projets qui laissent présager un bel avenir pour la résonance de l’œuvre de ce peintre dans sa ville d’origine.
En France, son pays d’adoption depuis les années 1960, sa présence demeure tout aussi vivante. Homme généreux et artiste de talent, Vladimir Veličković a marqué les esprits et les cœurs, sur plusieurs générations. Dans le monde de l’art en France, c’est l’un des peintres les plus respectés. En témoigne la salle comble lors de l’hommage rendu, après son décès, aux Beaux-Arts de Paris, où il a enseigné pendant de longues années, avant de devenir membre de l’Académie en 2005, dans la section peinture, au fauteuil de Bernard Buffet. Étaient rassemblés ce jour-là, outre les membres de l’Académie et des personnalités, tels Bernard Blistène, Jean de Loisy ou Hervé Odermatt, un grand nombre de ses anciens élèves. Ces derniers sont aujourd’hui des artistes reconnus, dont la production montre qu’ils ont su tirer le suc de son enseignement : le goût pour le dessin et la peinture figuratifs, et la conscience du travail à l’atelier d’où ils tirent puissance formelle et maîtrise technique. La plupart, à l’instar de leur professeur, ont fait le choix d’une peinture humaniste, politique, expressionniste et sans concession.
D’un point de vue historique, la place de l’œuvre de Vladimir Veličković est essentielle. D’abord parce qu’il a participé au renouveau de la peinture figurative dans les années 1960, à contre-courant d’un contexte alors dominé par l’abstraction. C’est le moment où Veličković s’est imposé parmi les grands noms gravitant autour de la Figuration narrative. Mais aussi parce qu’il n’a eu de cesse de se mettre en question. La colossale rétrospective qui a eu lieu en 2011 aux Abattoirs de Toulouse attestait de ce cheminement singulier. Le parcours thématique, qui mêlait des œuvres de diverses époques, témoigne de son attachement à représenter le tragique, mais surtout de sa capacité à se renouveler formellement au fil des années. La force de l’œuvre peint, gravé et dessiné de Veličković est d’avoir su allier une grande maîtrise du classique et la puissance expressionniste du moderne. Une force dont témoigne son incroyable succès auprès du grand public : aux Abattoirs, sa rétrospective a battu des records de fréquentation.À Toulouse ou ailleurs, les expositions de Vladimir Veličković ont attiré un immense public, de son vivant comme après son décès. Car, depuis, son œuvre a continué de vivre à travers de belles expositions qui ont toutes rencontré le succès : au Fonds Hélène et Édouard Leclerc à Landerneau (2019), au Musée d’art contemporain de Belgrade (2021) ou encore à l’Académie des beaux-arts (2023). Pourtant, malgré l’évidence de ce constat, la politique institutionnelle en France n’a pas pleinement honoré l’œuvre du peintre à sa juste valeur. Aujourd’hui, dans un contexte où la peinture redevient primordiale, il serait important de lui donner la place qui devrait être la sienne : celle de l’un des peintres majeurs dans le renouvellement de la peinture figurative des 50 dernières années.
UNE OEUVRE SINGULIÈRE
Dans la continuité de l’hommage organisé par l’Académie des beaux-arts durant tout l’été, la Galerie Trigano a ouvert en septembre une exposition présentant l’œuvre de Vladimir Veličković. C’est l’une des galeries historiques avec laquelle l’artiste a travaillé pendant des années, tout comme la Galerie de France, les galeries Hervé Odermatt, Marwan Hoss et Enrico Navarra, entre autres. Elle expose une sélection de tableaux représentatifs de plusieurs périodes de l’œuvre de l’artiste, où de grandes pièces historiques et colorées des années 1960 dialoguent avec des pièces plus récentes, telles que les Corps peints dans les années 1990 ou les petits paysages réalisés dans les années 2010, peuplés de Corbeaux de Feu et Gibet. Le choix est un condensé de ce qui a fait la singularité de son œuvre, tant dans sa puissance expressionniste que dans la justesse de son trait acéré.
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Le vivant héritage de Vladimir Veličković
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°768 du 1 octobre 2023, avec le titre suivant : Le vivant héritage de Vladimir Veličković