PARIS
Le tatouage, un art ? Oui, mais alors « populaire ». L’art contemporain le compte parfois parmi les siens, lorsque Jean-Luc Verna recouvre son corps de dessins ou quand Wim Delvoye tatoue le dos de Tim Steiner qu’il expose (vivant) au Musée du Louvre.
Mais, à ces quelques exceptions près, le tatouage est moins l’affaire du musée que de la rue. Longtemps marginalisé, pour ne pas dire méprisé, le tatouage connaît pourtant une histoire riche et passionnante qui remonte à l’Antiquité. « Tatoueurs, tatoués », l’une des grandes expositions transversales du Quai Branly, rappelait en 2014-2015 l’existence de formes de tatouages dès 3350 av. J.-C., en Europe. Inscription punitive, magique ou d’appartenance à un groupe, le tatouage a connu depuis divers usages selon les régions du monde dans lequel il fut, et est encore, pratiqué. Ainsi le tatouage maori n’est-il pas le tatouage yakuza, qui n’est pas non plus le tatouage amérindien.
Riche de son passé et d’une création plus vivante que jamais, le dessin sur la peau ne se dissimule plus, il s’exhibe. Du 15 au 17 février, il tient même salon à la Grande halle de La Villette, où il organise la 9e édition de son « mondial ». De son côté, la communauté s’organise. Lancé en 2014, le projet TTTism (« Tattooisme ») entend défendre « une vision de la culture du tatouage dans le passé, le présent et le futur » à l’aide d’une plate-forme éditoriale (un magazine, un site Internet et des livres) et sociale (Instagram, Facebook…) promouvant la culture du tatouage, sa tradition comme sa création contemporaine, en prenant soin de l’associer à un contexte global (design, arts, etc.). Dernier né de TTTism, Tattoos : Le dictionnaire mondial du tatouage [Chêne, 528 p., 49 €] recense, par entrées alphabétiques, « les trois cents plus grands artistes mondiaux » du genre. Ils s’appellent Duncan X, Tomas Tomas, Scott Campbell et Stephanie Tamez, travaillent aux États-Unis, au Japon, en Finlande et en France, et font référence dans la profession. « Partout en Asie et en Russie, de jeunes artistes trouvent dans le tatouage un espace qui leur permet d’explorer de nouveaux territoires esthétiques et sociaux, explique l’introduction. Beaucoup sont issus de formations artistiques classiques, mais sont prêts à élargir les horizons du design graphique, de la peinture et du dessin, sans subir le poids et les entraves de la tradition. »
L’abondance des illustrations qui entourent les notices dédiées aux tatoueurs témoigne en effet de la vitalité de la création actuelle. Si l’on y retrouve les aigles et autres têtes de mort qui hantent l’imaginaire collectif du tatouage, d’autres motifs nous emmènent dans le giron du dessin dit contemporain, à l’instar des dessins au trait de l’Allemand David Schiesser qui puisent dans l’univers des géants Saul Steinberg et Tomi Ungerer. D’autres, comme l’Israélien DotsToLines et le Français Lewisink, frayent avec l’« op art » d’un Vasarely ou les dessins mathématiques d’Elias Crespin, quand les cow-boys de l’Américain Julian Bast flirtent avec ceux de Glen Baxter. « Il est donc essentiel de considérer le tatouage comme une pratique artistique […] qui s’avère immanquablement liée à des tendances sociales et sociétales plus larges. » Ce nouveau Dictionnaire mondial du tatouage donne les raisons objectives de le faire.
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Le tatouage, un dessin comme un autre ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Le tatouage, un dessin comme un autre ?