À l’heure où, au Portugal, le championnat d’Europe des nations de football bat son plein, ce ne sont pas uniquement les meilleures équipes du Vieux Continent qui livrent bataille, mais également les équipementiers sportifs. Car, dans ce type d’événement, la compétition esthétique est évidemment à son apogée.
Depuis belle lurette, nombre de fabricants font appel à des stylistes, comme Adidas avec, l’an passé, Yohji Yamamoto pour la collection « Y-3 ». Plus fréquemment encore, ils ont recours à des designers. Ainsi le Suisse Yves Béhar a-t-il dessiné pour Puma une chaussure genre chausson de pilote de Formule 1. Il travaille aujourd’hui pour Nike, tout comme l’Australien Marc Newson ou l’Américaine Kirsten Schambra, qui a conçu la fameuse City Knife II (2003), une basket qui se plie comme un origami pour entrer dans une poche de pantalon.
Une fibre antibactérienne et antistatique
En France, le duo Sismo – Antoine Fenoglio et Frédéric Lecourt – a imaginé deux modèles de basket de ville pour la ligne « Exclusive », autrement dit « mode », de la société Patrick. Friponne et Marina devraient être vendues à la fin de cette année, autour de 90 euros. De son côté, la firme Puma a dévoilé le 27 mai, à Paris, une nouvelle collection de chaussures dessinée par… Philippe Starck. Ce dernier aurait-il soudain la fibre verte – rappelons qu’il a déjà conçu, en 1999, pour Kartell, des tabourets en forme de… nains de jardin (sic) – ? Car ces chaussures ressemblent à ces « galoches » en caoutchouc que l’on utilise au jardin, mais en version urbaine, avec, en prime, matériau de pointe – une fibre antibactérienne et antistatique – et une palette de coloris « tendance » : gris, jaune cadmium, orange, lavande… Elles seront disponibles cet automne, entre 170 et 210 euros.
Si la rue innove, le stade, lui, n’est pas en reste. Dimanche 13 juin, pour le compte de l’Euro 2004, le duel France-Angleterre a réuni deux vedettes du ballon rond : David Beckham et Zinedine Zidane. Outre le fait qu’ils viennent tous deux de passer une saison sous les mêmes couleurs, celles du Real Madrid, ils avaient un second point en commun : ils portent des chaussures de foot identiques, les Predator [« prédateur »] de la marque Adidas. Sorties en 1994, elles ont été imaginées par l’Australien Craig Johnston, ancienne gloire du Liverpool Football Club (1980-1988), devenu… designer. En mai dernier, il était même, outre-Manche, l’un des quatre sélectionnés au titre de « Designer de l’année 2004 ».
Les transferts entre football et design ne sont pourtant pas légion. On peut citer, en France, l’exemple du « Vert » Gérald Passi, 40 ans aujourd’hui, qui, lorsqu’il fit les beaux jours de l’équipe de Saint-Étienne (1992-1995), s’initia, hors jeu, au design, à l’école des beaux-arts de la ville. En 2001, il a fondé, à Annecy-le-Vieux, Gérald Passy Design, et conçoit, entre autres… des chaussures de sport.
Après avoir raccroché ses crampons, Craig Johnston, 44 ans, a, lui, été recruté par la firme Adidas où il fut, de 1992 à 1996, responsable de l’Innovation. Sa dernière invention est une sorte de « peau » révolutionnaire en caoutchouc et fibre de carbone, à enfiler sur la chaussure. Constituée d’une série de picots, elle permet à la fois d’accroître le contrôle du ballon et de lui donner moult effets. Johnston aurait pu baptiser sa trouvaille « L’Oursin », mais a préféré l’appeler The Pig, ou « Le Cochon », parce que, selon lui, « d’une part, [cette « peau »] est très moche ; d’autre part, elle émet un couinement au moment où elle touche le polyuréthane du ballon ». Bref, avec « Le Cochon », tout est bon : la prise du ballon, la puissance de frappe et surtout la précision. Cet accessoire pourrait être disponible dès la rentrée prochaine. Certains joueurs devaient même le tester au cours de cet Euro 2004. Sûr que Beckham, au moment de tirer son penalty, l’avait oublié au vestiaire.
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Le prédateur et le cochon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°196 du 25 juin 2004, avec le titre suivant : Le prédateur et le cochon