PARIS
La Galerie Nathalie Obadia, à Paris, accueille une installation signée Laure Prouvost, lauréate du 29e Turner Prize en 2013.
29e lauréate en 2013 du Turner Prize, Laure Prouvost (née en 1978) propose de se perdre à la Galerie Nathalie Obadia, à Paris, dans une installation mêlant sculptures, films et tapisseries.
Votre film « Burrow Me » (2009) semble être un voyage aux ressorts rocambolesques qui ne débouche jamais sur une destination concrète. Y avait-il là une recherche de la perte ?
Je voulais que cela ait beaucoup de sens et que l’on arrive quelque part mais je n’ai pas réussi ! Auparavant je faisais un travail davantage avec des plans statiques et des voix off qui racontaient une histoire ; on imaginait donc des choses qui pouvaient se passer face à un plan fixe où il ne se passait rien. Là, c’était le début d’un travail sur un tunnel qui ne débouche nulle part, sur le modèle de l’ensemble de l’exposition. C’est un film dans lequel on se perd un peu, comme un enfant qui voit une fiction au cinéma et s’arrête sur des détails. Et en même temps je souhaitais un point final et une conclusion, c’est-à-dire questionner l’idée de la fiction et la façon dont on raconte les histoires.
Il est frappant de lire des fautes de langage et d’orthographe dans la transcription…
Je suis arrivée à Londres il y a plus de seize ans, j’étais une étrangère, je ne comprenais pas tout, j’imaginais des choses qui étaient fausses. En tant qu’étranger, vous vous créez votre vision des choses, et donc aussi un langage. Le moyen de communication le plus utilisé entre humains ce sont les mots, et en même temps j’aime bien cette idée que ces incompréhensions nous laissent énormément de liberté au niveau de l’imaginaire. Les mots se mélangent, on crée d’autres images dans le texte et dans les paroles dites. D’un seul coup on peut avoir des jeux de mots qui sont presque innocents et repositionnent l’idée de la narration ou du langage. Et puis ainsi mes personnages ont peut-être des vies plus abstraites.
Votre univers est toujours ambigu, à la fois réel et déréalisé. Cherchez-vous à établir une frontière floue entre ces deux aspects ?
Oui, ce n’est pas forcément flou, et les deux aspects ne sont pas si séparés que cela dans les livres ou les films. Tout ce que l’on vit dans une lecture, un film ou une installation d’art rentre dans notre subconscient comme une chose qui a existé. Et cela m’intéresse que le travail devienne plus intangible que « ça, c’est vrai ; ça, ce n’est pas vrai ». Il y a une sorte de réalité du subconscient. Ces aspects sont peut-être plus connectés entre eux.
Cette exposition est, comme souvent dans votre travail, placée sous le signe de vos grands-parents à la fois réels et fictifs. S’agit-il d’une suite de votre travail antérieur ?
Oui, c’est une continuité de Wantee (2013). Mais avant il y a eu une installation pensée autour de l’atelier, déjà un peu abandonné, de mon grand-père ; j’y raconte que ma grand-mère voulait l’embellir en y rajoutant des choses et même en améliorant les peintures du grand-père. Cela traite donc aussi de la façon dont l’artiste perd le contrôle dans le futur, une fois qu’il n’est plus là. Et puis Wantee était filmé dans le living-room de mes grands-parents.
Ici il s’agit d’un projet autour du Visitor Center conçu pour faire revenir le grand-père et lui montrer qu’on lui fera un grand musée – l’artiste souhaite être reconnu par l’histoire. Il y a même un petit tunnel par lequel il arriverait, on le voit dans la maquette (Maquette for the Grand Dad’s Visitor Center, 2014). Comment se souvient-on de lui, que veut-on garder de l’histoire et pourquoi construire ce grand musée ? Ma grand-mère a envie de prendre les décisions, c’est donc elle qui raconte l’histoire avec les tapisseries.
Il y a dans cette exposition beaucoup de choses ayant trait au déplacement, au mouvement, au voyage…
J’ai voulu recréer une sorte de plateforme au sol qui vous dirige dans différentes possibilités de narrations et de lieux : cela peut être le rêve de la grand-mère avec l’avion où l’on ferait du thé partout dans le monde, qui est sans doute plus abstrait, ou une tapisserie qui raconte ce qui s’est passé dans leur couple et leur maison. C’est aussi un peu rentrer dans le jeu, celui de creuser le passé : on va chercher ce qui s’est passé mais l’histoire n’est pas très claire. On cherche ce que l’on peut trouver mais pour finir… c’est une fiction.
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Laure Prouvost : « Il y a une sorte de réalité du subconscient »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 31 octobre, Galerie Nathalie Obadia, 3, rue du Cloître Saint-Merri, 75004 Paris, tél. 01 42 74 67 68, www.galerie-obadia.com, tlj sauf dimanche 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°421 du 17 octobre 2014, avec le titre suivant : Laure Prouvost : « Il y a une sorte de réalité du subconscient »