L’artisanat d’art a choisi de se positionner sur l’excellence et de renouveler son image. C’est notamment l’objectif du salon Révélations au Grand Palais du 10 au 13 septembre 2015.
Tout observateur objectif ne peut qu’être frappé par la place conquise ces dernières années par le secteur des métiers d’art qui s’est mis en phase avec le mouvement de l’humanité ! », souligne Serge Nicole, céramiste et président des Ateliers d’art de France. Avec le salon Révélations, qu’il organise pour la deuxième fois au Grand Palais, il a entrepris de redorer le blason de l’artisanat d’art. Mieux, de repositionner celui-ci comme de l’art à part entière, en présentant des œuvres dont la maîtrise technique n’a d’égale que la sensibilité artistique. Serge Nicole veut en finir avec cette image un peu dépassée dont l’artisanat d’art souffrait il y a quelques années encore. Et par la même occasion, il entend contribuer à revaloriser la cote de ces virtuoses du geste. D’autant que cette hiérarchie entre art et artisanat n’a pas toujours été de mise : « Au XVIIIe siècle, on parlait plutôt d’objets d’art, et ces derniers avaient leur place au Louvre – commodes, porcelaines, bronzes, orfèvrerie… – au même titre que les peintures », rappelle Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture. « Curieusement, ce sont deux mondes qui se sont séparés après-guerre, alors que les échanges entre arts plastiques et métiers d’art furent décisifs pour l’invention de la modernité et pour la redéfinition du champ de l’art, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle », souligne Jean de Loisy, le patron du Palais de Tokyo. Et de citer la vitalité des mouvements comme l’Art & Crafts en Angleterre, l’Art nouveau en France, le Bauhaus en Allemagne ou encore le constructivisme en Russie. Alors que Jean de Loisy s’étonne de l’absence d’artisanat d’art dans les collections du Centre Pompidou et dans le parcours du XXe siècle, l’artiste Gérard Garouste ne comprend pas non plus ces clivages : « Quand un grand musicien interprète un compositeur célèbre, s’interroge-t-on sur son statut d’artiste sous le prétexte qu’il n’est qu’interprète d’un morceau qu’il n’a pas écrit ? »
Porosité art-artisanat d’art
Grâce au mécénat de la Fondation Bettencourt Schueller, le Palais de Tokyo a monté au printemps dernier l’exposition « L’usage des formes » présentant des objets et œuvres issus de domaines aussi variés que l’artisanat d’art, les arts plastiques, le design ou l’architecture. « Il n’y avait pas d’institution plus pertinente pour organiser ce dialogue, dépasser les clichés, casser les barrières », observe pour sa part Olivier Brault, directeur de la fondation. Et d’ajouter : « L’intelligence de la main est au cœur de la création. Comme le disait Paul Valéry : “Je garde ici les œuvres de la main prodigieuse de l’artiste, égale et rivale de sa pensée”. » S’il dénonce la puissance de la société de consommation et le choix des écoles qui ont privilégié les arts visuels au détriment des métiers d’art, il se réjouit du renversement de tendance observé depuis dix ans, comme en témoigne encore l’exposition « Bricologies » qui s’est terminée le 31 août à la Villa Arson à Nice, et aurait été considérée comme sacrilège il y a une décennie.
La porosité entre le monde de l’art et celui de l’artisanat d’art s’illustre d’ailleurs dans les allers-retours de l’un à l’autre. Gabor Ulveczki, qui fera stand commun avec Serge Nicole au salon Révélations, s’est d’abord affiché comme peintre figuratif après ses études aux Beaux-Arts de Budapest, avant d’entreprendre des recherches sur la feuille d’or oxydée pour en varier les couleurs, l’appliquer sur divers supports, papier, tissu, bois et, maintenant, verre. Manuela Paul-Cavallier, doreuse, a fait le chemin inverse : partie en résidence à la Villa Kujoyama au Japon grâce à une bourse de la Fondation Bettencourt Schueller, elle y a acquis de nouvelles techniques comme la dorure sur bambou, mais elle a aussi partagé son expérience avec des artistes tel le designer Goliath Dyèvre et cela lui ouvre d’autres horizons : après une exposition intitulée « Back from Kyoto » à la galerie parisienne Tristan Salmon-Legagneur, son travail est présenté cet automne au Musée Hakusasonso de Kyoto et à la galerie japonaise Seikado.
L’effet design
L’artisanat d’art veut ainsi faire sa révolution, comme le design a su le faire en remettant au goût du jour des pièces banalisées à une époque pas si lointaine. Des productions pourtant industrielles de meubles de la vie quotidienne ne sont-elles pas devenues des objets de luxe ? Chez les marchands de la rue de Seine ou dans les maisons de ventes aux enchères, certaines pièces atteignent désormais plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de milliers d’euros. « Un bureau signé Prouvé a même atteint 1,5 million d’euros chez Artcurial. Un paradoxe ! », constate Jean-Jacques Aillagon. Cette réussite, Serge Nicole espère bien la reproduire sur l’artisanat d’art, très diversifié et sophistiqué en France.
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L’artisanat d’art cherche l’effet design
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Abonnez-vous dès 1 €Le salon des métiers d’art et de la création, du 10 au 13 septembre. Grand Palais. Ouvert le jeudi, vendredi et samedi de 10 h 20 h et le dimanche de 10 h à 19 h. Tarifs : 10 et 5 €. www.revelations-grandpalais.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°682 du 1 septembre 2015, avec le titre suivant : L’artisanat d’art cherche l’effet design