Anyang, une cité-dortoir de la banlieue de Séoul, a commandé à quarante-six artistes
des œuvres pour son espace urbain, avec une réussite certaine.
ANYANG (CORÉE DU SUD) - Située à vingt de kilomètres au sud de Séoul, Anyang est une cité-dortoir, avec ses barres d’immeubles modernes. La ville a connu une importante explosion démographique ces dernières années pour atteindre aujourd’hui près de 620 000 habitants, et devenir l’une des villes les plus denses de Corée. Dans un contexte urbain sans charme, le maire, Shin Joong-Dai, a décidé de faire appel à l’art pour « rendre la ville plus belle ». Après avoir lancé « Art City 21 Project » en 2002, le Anyang Public Art Project (APAP), un festival de sculptures en plein air, a eu lieu une première fois en 2005. La deuxième édition, qui a été inaugurée le 20 octobre, est marquée par une montée en puissance de la manifestation qui s’est aussi considérablement ouverte aux créations d’artistes étrangers. Le maire n’a d’ailleurs pas caché ses ambitions en faisant référence dans son discours inaugural au Skulptur Projekte Münster (qui a lieu en Allemagne tous les dix ans), une manifestation qui semble fonctionner comme un modèle pour ce festival. L’ambition de ce dernier est en effet de se doter d’une collection d’œuvres pérennes installées dans l’espace public, lesquelles créent des signes, dialoguent avec l’architecture, donnent une âme au contexte urbain, dans un souci de rendre la ville plus attractive à la fois pour les citoyens et les touristes. Un budget de 3,8 millions de dollars (2,6 millions d’euros) a permis à tous les artistes de venir une première fois sur place s’imprégner du contexte afin de réaliser des œuvres spécialement pour les espaces par eux choisis (quand c’était possible). Avec la directrice artistique, Sung Won Kim, les commissaires d’exposition Seungduk Kim et Franck Gautherot ont beaucoup œuvré pour donner à l’ensemble une haute tenue artistique. L’on ne s’étonnera pas non plus de retrouver à Anyang un grand nombre d’artistes passés par le centre d’art Le Consortium à Dijon ou habitant tout simplement la Bourgogne. Parmi ceux-ci, Bertrand Lavier a installé McCormick sur Saxo, deux ready-made empilés. La machine agricole, avec son rouge Ferrari, semble ici venir d’un autre monde. Tel est aussi le cas de la pièce placée devant la mairie par la Suissesse Sylvie Fleury, une soucoupe volante de 5 mètres de diamètre qui porte le nom de « Vitteaux », une commune de la Côte-d’Or.
À la différence de la dernière édition, cet été, du Skulptur Projekte Münster, où l’indicible était de mise, les artistes de l’APAP 2007 ont, dans leur immense majorité, joué la carte du monument, du signe. Le duo M/M (Paris) diffuse ainsi à l’aide de son alphabet reproduit sur des cubes blancs le slogan très « lendemains qui chantent » de la ville, tours qui dialoguent avec celles de la cité dans le lointain. Liam Gillick a posé sur un trottoir une structure jaune « sociable », non loin de la tour en miroirs colorés de Gary Webb ou du don Quichotte doré de Rachel Feinstein. Autour du parc, Gloria Friedmann a remis les pendules à l’heure, Dan Graham a créé un pavillon au cœur de la nature, Lee Bul a construit une grotte, tandis que Elmgreen & Dragset installaient une cabine téléphonique qui sonne régulièrement. Habitués à l’exercice, Daniel Buren et Lawrence Weiner ont, pour l’un construit des passages couverts colorés, pour l’autre scellé sur une place des plaques de bronze sur lesquelles est inscrit en coréen le mot « ici ». Angela Bulloch propose, elle, une œuvre totalement atypique, grande fleur en aluminium symbole de l’unification des deux Corées, qui vient dialoguer à distance avec celle à pois imaginée par Yayoi Kusama. À côté de ces œuvres pérennes, d’autres ont été installés temporairement, comme les gros glaçons Toblerones d’Olivier Mosset ou les portraits transposés sur des drapeaux de Yan Pei-Ming.
En définitive, et en comparaison de nombreuses manifestations similaires, l’APAP 2007 est une indéniable réussite, artistiquement du moins. Au-delà du patrimoine que la ville vient ici de se constituer, demeure la question de la réception par les citoyens. C’est là une autre étape du défi de ce festival qui appelle d’autres espoirs : que des villes françaises, et notamment de banlieue, prennent exemple sur cette cité asiatique pour franchir le pas. Parce que l’art transforme la ville.
2007, jusqu’au 20 nov., Pyeongchon Area, Anyang, Corée du Sud, http://apap.anyang.go.kr
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L’art transforme la ville
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Abonnez-vous dès 1 €- Directrice artistique : Sung Won Kim - Co-commissaires : Sung Won Kim, Seungduk Kim, Franck Gautherot (Le Consortium, Dijon) - Budget : 3,8 millions de dollars - Nombre d’artistes : 46 - Nombre d’œuvres permanentes : 37 - Nombre d’œuvres temporaires : 9
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°269 du 16 novembre 2007, avec le titre suivant : L’art transforme la ville