Centre d'art

La Malmaison, un centre d’art dans l’air du temps

Par Élodie Antoine · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 1435 mots

À Cannes, la Malmaison a connu différentes affectations avant de se consacrer à l’art. Après des travaux de modernisation, ce centre d’art vient de rouvrir et affiche une ambition internationale.

C’est à un riche lord, Henry Brougham, que l’on doit la création de la Croisette à Cannes au milieu du XIXe siècle. Cet homme politique et écrivain écossais découvre ce village de pêcheurs en 1834 lors d’un voyage vers l’Italie où il comptait soigner sa fille atteinte de tuberculose. Séduit par le climat et les paysages, il acquiert un terrain et y fait construire une vaste demeure à laquelle il donne les prénoms de sa fille, Villa Éléonore-Louise. La maison achevée, il y invite ses relations de l’aristocratie anglaise qui ne tardent pas à investir le long de cette promenade en bord de mer créée en 1863 et baptisée boulevard de la Croisette. L’arrivée du train cette même année contribue également à l’engouement grandissant pour cette cité balnéaire et incite les plus fortunés à y construire des villas.

Un lieu mondain puis artistique

La Malmaison, inaugurée le 1er octobre 1864, en même temps que le Grand Hôtel dont elle fait partie intégrante, est le dernier témoin de cette histoire architecturale, de cet âge d’or de la Croisette. À l’époque, c’est un petit pavillon à deux étages, percé de cinq fenêtres donnant sur le sud, comprenant une salle de réception, un salon de thé et une partie pour loger les femmes de chambre. En 1901, à la suite d’un changement de propriétaire, La Malmaison est détruite puis reconstruite pour devenir le bâtiment que l’on connaît aujourd’hui. Son architecture de style Belle Époque est caractéristique de la fin du XIXe siècle. Des loggias parées de colonnes ioniques sont créées au deuxième étage. Un fronton richement décoré d’un médaillon et de motifs végétaux orne la fenêtre centrale. Des balustrades embellissent pareillement les nombreuses fenêtres et le pourtour du toit. Dix-huit chambres de maîtres sont créées dans les étages pour accueillir un tourisme de luxe. La Malmaison abrite ensuite le Cercle des Golfeurs administré par le grand-duc Michel de Russie, personnage excentrique, acteur de la vie mondaine cannoise au début du XXe siècle et fondateur du golf de Cannes en 1892. La haute société anglaise, russe et française s’y retrouve alors en fin de journée. Puis elle est louée de façon saisonnière à des familles fortunées avant d’être à nouveau vendue en 1935 à un ancien officier d’aviation, Sir John Edward Crawford, qui s’y installe avec sa famille. De 1939 à 1956, le Grand Hôtel et La Malmaison deviennent le lieu des festivités du Festival international du film de Cannes alors organisé par le peintre Jean-Gabriel Domergue. Puis la Ville de Cannes rachète La Malmaison en 1970 et conserve ce goût pour la peinture. Après quelques réaménagements, elle y présente au rez-de-chaussée des expositions temporaires consacrées à des artistes modernes (Jean-Gabriel Domergue, Jean Hélion) et y accueille le Salon de Cannes organisé par l’Association des beaux-arts. À partir de 1983, après sa rénovation, la municipalité fait de La Malmaison un lieu d’expositions de 200 m2 alternant art moderne (Henri Matisse, Alberto Magnelli, Pablo Picasso, Max Ernst) et art contemporain (Niki de Saint Phalle, Pierre et Gilles, Fiona Rae).

Un centre d’envergure

Il faut attendre l’arrivée de David Lisnard à la mairie de Cannes en 2014 pour voir émerger le projet ambitieux de transformation profonde des lieux. Après un an et demi de fermeture, La Malmaison, dont le projet de réhabilitation a été confié à l’agence Nelson Wilmotte Architectes, a rouvert ses portes en janvier dernier. Sa façade a retrouvé son lustre d’antan notamment grâce à la réintroduction des balustres du toit qui avaient disparu avec le temps. Les fenêtres condamnées par le passé ont été rouvertes afin de créer un lien entre l’intérieur et l’extérieur. La Malmaison compte désormais trois niveaux d’exposition se déployant sur 600 m2. L’organisation des espaces de la villa de 1901 a été conservée. Ainsi aux premier et deuxième étages, on compte six salles par niveau qui correspondent à celles du plan initial. Elles confèrent à la visite une dimension plus intime, un caractère presque domestique. La réhabilitation respecte l’histoire et l’identité du bâtiment tout en mettant en valeur son lien avec la mer. Une de ses ambitions principales a été la mise en conformité du bâtiment : le contrôle de l’hygrométrie, l’accès PMR et la climatisation. Elle a également offert l’opportunité de créer de nouveaux espaces dont une librairie au rez-de-chaussée et une terrasse panoramique sur le toit. Celle-ci offre une vue extraordinaire sur la mer et la possibilité de se restaurer ou de prendre un verre au salon de thé. Enfin, une salle multimodale a été installée au rez-de-jardin. Elle permet d’accueillir des ateliers artistiques pour le public scolaire et des conférences sur l’art contemporain. Comme le rappelle, sa directrice, Hanna Baudet : « Transmission et expérimentation, tel sera le futur de La Malmaison. » Côté programmation le centre d’art proposera trois expositions par an. L’une, comme elle l’a toujours fait, consacrée à un artiste moderne. Les deux autres ouvertes sur la création actuelle, l’une consacrée à un artiste français, l’autre à un artiste de la scène internationale. En 2025, c’est Jean-Michel Othoniel qui, sous le titre « Poussière d’étoiles », investira les trois niveaux d’exposition, le parvis et la terrasse. Et en 2026, la Malmaison consacrera une exposition aux liens de Francis Picabia avec Cannes et la Côte d’Azur.

La terrasse

La Malmaison accueille désormais sur son toit une terrasse panoramique de plus de 150 m2 qui offre une vue imprenable sur la Croisette et la Méditerranée. Accessible à tous sans avoir à s’acquitter d’un billet d’entrée, elle est également dotée d’un salon de thé qui propose une restauration légère et peut accueillir jusqu’à 200 personnes. Une nouvelle toiture contemporaine, composée de chevrons de bois et de zinc, recouvre le bâtiment. Et la balustrade en stuc a été remarquablement restaurée.


Sous le soleil du Midi

Conçue par Amélie Adamo et Hanna Baudet, l’exposition inaugurale emprunte son titre au célèbre tableau qu’Henri Matisse peint au retour de son séjour estival à Saint-Tropez en 1904. Il rappelle ainsi que, de la fin du XIXe au début du XXe siècle, de Paul Cézanne à Pierre Bonnard en passant par Paul Signac, Charles Camoin et Raoul Dufy, nombreux sont les peintres venus chercher la lumière et les couleurs du Sud. Si le voyage dans le Midi s’est imposé comme un rituel fondateur pour les artistes modernes, l’exposition tente de démontrer que l’arc méditerranéen demeure jusqu’à aujourd’hui une source d’inspiration pour les peintres. Elle propose selon trois axes de faire dialoguer les modernes et les contemporains. Au rez-de-chaussée, la section « L’âge d’or » confronte par exemple le Baigneur aux bras tendus de Cézanne (1876) avec ceux de Simon Pasieka (L’Âge d’or, 2024). À l’étage, « Intérieurs et jours heureux » donne à voir la douceur du Sud à travers les fenêtres et les terrasses ensoleillées. De Matisse à Jacqueline Gainon, en passant par Vincent Bioulès, la fenêtre est un motif récurrent qui ouvre sur l’extérieur. « L’appel de la lumière » qui clôt ce parcours avec notamment la confrontation des paysages magnétiques de Claude Monet, de Gérard Traquandi et de Vicky Colombet, est une grande réussite de l’exposition.

Élodie Antoine

 

« Luxe, calme et volupté »,

à La Malmaison, jusqu’au 20 avril, www.cannes.com

La librairie

Au rez-de-chaussée, une librairie a été créée dans l’espace de l’ancien hall. Elle propose un large choix de catalogues des expositions passées et en cours, d’ouvrages sur l’art contemporain et de produits dérivés. Un rayon est également consacré aux livres jeunesse. Annonciateurs de la prochaine exposition, on peut déjà y trouver des carnets et des tote bag illustrés par Jean-Michel Othoniel.


Les espaces d’exposition

Les espaces d’exposition se déploient désormais sur trois niveaux, soit 200 m2 environ par étage. Les fenêtres ouvertes sur la Croisette et la Méditerranée offrent un dialogue avec le paysage azuréen. Équipées de vitres anti-UV et de filtres, elles assurent la bonne conservation des œuvres tout en offrant un éclairage naturel aux salles. Les matériaux utilisés majoritairement, le bois de chêne et la pierre de Chassagne Beauharnais, sont discrets et chaleureux permettant d’explorer de nombreuses variations scénographiques.


La façade

La façade de La Malmaison est remarquable par son architecture de style néo-classique caractéristique de la fin du XIXe siècle. Au premier étage, la fenêtre centrale est surmontée d’un fronton décoré d’un médaillon et de motifs végétaux en stuc que l’on retrouve sur les autres fenêtres de ce niveau. Au deuxième étage, les loggias sont dotées de colonnes ioniques dont certaines cannelées favorisent un jeu de lumière. Chaque fenêtre est richement ornée d’une balustrade ou d’un balcon en ferronnerie.

À voir
La Malmaison,
47, boulevard de la Croisette, Cannes (06), www.cannes.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : La Malmaison, un centre d’art dans l’air du temps

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