La Maison de l’Amérique latine présente une introduction à l’art subtil de Gego, l’artiste qui jouait de la ligne.
PARIS - Il ne faut pas s’attendre à une démonstration fleuve que la modestie des espaces interdit. Mais l’hommage rendu à Gego (1912-1994) par la Maison de l’Amérique latine, à Paris, mérite néanmoins un détour pour qui serait désireux de se familiariser un tant soit peu avec l’art de l’une des plus célèbres artistes vénézuéliennes, qui brille par son absence dans les institutions françaises et se voit là consacrer sa première exposition à Paris, 20 ans après sa disparition.
Née à Hambourg, c’est en 1939 que Gertrud Goldschmidt, son vrai nom, émigre à Caracas après avoir été déchue de sa nationalité allemande par le régime nazi en 1935 ; le Venezuela lui accordera la citoyenneté en 1952. Sa formation d’architecte et le contexte sud-américain auquel elle se frotte la font s’arrimer à partir des années 1950 au train des recherches spatiales et optiques qui occupent alors grandement le continent. Mais la singularité de Gego tient, plus que dans la recherche d’effets cinétiques aux marges desquels elle se tient, dans des arrangements graphiques dont la ligne se fait l’élément primordial. En outre, de cette ligne son art propose des déclinaisons qui s’affranchissent de la rigueur géométrique, autre motif de distinction avec certains de ses pairs.
Tissage d’espace
La quarantaine d’œuvres sur papier réunies ici atteste de cette liberté qui voit par exemple, dans une série de lithographies exécutées en 1966, se mettre en place des réseaux au sein desquels toujours se produit un accident venant interdire la régularité du motif tout en introduisant un rythme et une dynamique dans la composition. L’abstraction de Gego fait son miel du tissage, de la légèreté et des jeux de transparence. De tissage, il est en effet question dans des compositions du même nom dans lesquelles s’entremêlent papier, ruban et cellophane bousculant tant le motif possible que la couleur. C’est dans la sculpture que l’artiste fait montre d’une autre forme de fine dextérité, notamment lorsqu’elle met en place de légères structures composées de baguettes d’acier suspendues au plafond. Véritables essaims métalliques à la structure complexe et parfaitement maîtrisée, ses Réticulaires s’offrent tels des labyrinthes légers et fragiles, où l’omniprésence des nœuds dans lesquels s’assemblent les composants aide à déporter l’attention vers les marges. Tout comme lorsqu’une Sphère de 1976 s’impose en mêlant sa légèreté à la curiosité de sa forme imparfaite. Jouant sans cesse des habitudes et catégories, Gego pousse ses recherches vers le Dessin sans papier, des structures métalliques quadrillées qui prennent leur autonomie par rapport au mur avec une grande inventivité formelle, toujours.
Jusqu’au 14 mai, Maison de l’Amérique latine, 217, bvd Saint-Germain, 75007 Paris
tél. 01 49 54 75 00
www.mal217.org
tlj sauf dimanche 10h-20h, samedi 14h-18h
Catalogue co-éd. Maison de l’Amérique latine/Mercantil, 88 pages, 13 €
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La ligne délicate de Gego
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Abonnez-vous dès 1 €GEGO, Bicho N° 87/10, 1987, métal et peinture, 66 x 50 x 34 cm, collection Mercantil.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°410 du 28 mars 2014, avec le titre suivant : La ligne délicate de Gego