Une vraie récompense (25 000 livres sterling, 36 200 euros) pour un groupe fictif.
Le prix de « Designer de l’année 2006 », plus haute distinction du design britannique, a été décerné fin mai par le Design Museum de Londres à Gorillaz, l’un des premiers groupes de rock virtuel au monde. Ou plus exactement à son créateur « visuel », en chair et en os lui, le dessinateur et graphiste Jamie Hewlett, 38 ans. Après avoir couronné, il y a deux ans, le designer multimédia Daniel Brown, l’institution londonienne persiste et signe en distinguant un domaine qui, aujourd’hui, révolutionne le design à vitesse grand V : la création numérique. Les trois autres nominés étaient le designer Tom Dixon, directeur artistique d’Habitat et d’Artek, l’architecte Cameron Sinclair, cofondateur d’Architecture for Humanity (ONG spécialisée dans la construction sur des sites de crise), et l’équipe artistique du quotidien londonien The Guardian, qui, en septembre 2005, a créé la nouvelle maquette au format berlinois du journal.
Derrière le rideau
Issu du Northbrook College of Art and Design de Worthing, dans le West Sussex, Jamie Hewlett est rapidement devenu, dans les années 1990, l’un des auteurs majeurs de la bande dessinée anglaise, notamment à travers la revue Deadline où paraît Tank Girl, péripéties d’une jeune adolescente punk qui conduit un tank et dont le petit ami est un… kangourou mutant. Hewlett réalise aussi moult pochettes de disque, des campagnes de publicité et des « habillages » pour la télévision. C’est en 1999 qu’il fonde avec le chanteur de Blur, Damon Albarn, connu pour être un expérimentateur hors pair, le groupe virtuel « Gorillaz ». Contrairement à Michael Jackson ou aux Beatles qui, jadis, s’étaient réincarnés en personnages de dessin animé, les quatre protagonistes imaginés par Hewlett et Albarn ne sont que pure fiction. Ce qui ne les empêche pas d’arborer un look plutôt « destroy ». Il y a Murdoc (le bassiste), 2D (le chanteur), Noodle (la guitariste) et Russel (le batteur). Hewlett dessine tout l’environnement du groupe : les pochettes de disque évidemment, mais aussi le site Internet (www.gorillaz.com) et la scénographie des concerts. Le premier album, sobrement baptisé Gorillaz, sort en 2001. Les influences vont du dub jamaïcain au hip-hop, des chansons d’amour cubaines au punk du sud de Londres. Le disque fait un tabac : six millions d’exemplaires vendus à travers le monde. Au cœur de l’industrie musicale internationale, Gorillaz, groupe fictif, réussit le tour de force de s’imposer comme une entité réelle. Lors du premier concert donné en public, de vrais musiciens, comprenant Damon Albarn, jouent derrière un rideau, en ombres chinoises, pendant que Jamie Hewlett projette des images en 2D du groupe sur un écran géant.
L’an passé, pour la sortie du deuxième album intitulé Demon Days, Hewlett perfectionne d’un cran encore la version live. À l’occasion des European Music Awards de la chaîne MTV, il passe de la simple projection sur écran à un système quasi holographique. Murdoc, 2D, Noodle et Russel sont littéralement sur scène, en trois dimensions. L’expérience sera rééditée, en 2005, sur la scène de l’opéra de Manchester (1). Derrière le rideau se dissimulent cette fois tous les complices qui ont participé à l’enregistrement du deuxième album, des pointures comme Neneh Cherry, De La Soul ou Martina Topley-Bird auxquelles s’ajoutent des interventions pré-enregistrées de Dennis Hopper et Ibrahim Ferrer. La performance est doublée d’animations visuelles que Jamie Hewlett a créées spécialement pour cette session. Une tournée mondiale serait en préparation, voire un long-métrage… Gare aux Gorillaz !
(1) Le DVD Gorillaz Demon Days Live at the Manchester Opera House, qui
retranscrit cette expérience, est sorti en mars chez EMI Records.
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Gare aux gorillaz
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°241 du 7 juillet 2006, avec le titre suivant : Gare aux gorillaz