Simple et efficace, la rhétorique de Tania Mouraud place l’individu face à lui-même et à son histoire.
VITRY-SUR-SEINE - Il y a toujours chez Tania Mouraud quelque chose qui fait office de poil à gratter, vient perturber la perception de l’histoire ou du quotidien, mais aussi bousculer la lecture du monde et de l’environnement. Son nouveau projet au MAC/VAL, à Vitry-sur-Seine, le confirme, avec une intervention a minima qui n’en est que plus percutante.
Dans les 1350 mètres carrés dévolus aux expositions temporaires, l’artiste n’a en effet installé qu’une seule installation monumentale : une triple projection vidéo, aux images qui se touchent, grimpant du sol au plafond, et cueillent à froid le spectateur et le happe sans préambule. Dans les trois images le cadre est identique : une usine de recyclage dans laquelle sont détruits massivement des livres envoyés au pilon, sur lesquels s’acharnent des pelleteuses venues les déchiqueter.
L’homme autodestructeur
Le titre, Ad nauseam (2012-2014), est lui aussi abrupt mais sans être grandiloquent, tant il colle à la gêne ressentie par le spectateur face à une destruction massive, un acharnement méthodique où l’analogie entre le livre et le corps vient vite à l’esprit. D’autant que l’artiste n’en est pas à sa première incursion sur le terrain des liens à la machine qui, in fine, s’apparentent à des systèmes généralisés, marchands souvent, propices à broyer de l’humain sans que n’apparaisse le corps à l’écran, comme dans Once upon a time (2011-2012) où la machine vient détruire la forêt. Néanmoins s’installe là une distance : si l’œuvre emprunte directement au réel, elle ne se pose pas en documentaire mais en construction de l’esprit. Ceci à travers le montage et surtout l’environnement sonore imaginé lors d’une résidence à l’Ircam, durant laquelle l’artiste a élaboré avec deux musiciens une masse sonore compacte à pénétrer, composée d’une multitude de sonorités venues de prises directes mais aussi de banques de sons.
Répond à cette installation, sur une façade extérieure du musée, une large peinture murale noire et blanche, presque une signature porteuse d’une sentence ; ici « ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter ». Deux temps et deux modes de lecture : Après le bruit et la fureur, l’impact et l’efficacité visuelle immédiate d’un côté, s’impose de l’autre une temporalité plus élargie nécessaire à la lecture, non pas contradictoire mais à l’inverse complémentaire. C’est dans ces équilibres que la noirceur inhérente au travail de Tania Mouraud ne vire pas à la gesticulation inutile, mais constitue une véritable prise de parole, lucide et responsable.
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Face à l’histoire
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 25 janvier, MAC/VAL, Place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine, www.macval.fr, tlj, sauf lundi 10h-18h, samedi-dimanche 12h-19h, catalogue éd. MAC/VAL, 256 p., 25 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°422 du 31 octobre 2014, avec le titre suivant : Face à l’histoire