Éric Poitevin a longtemps pensé qu’il « ne serait que portraitiste ». « Quand j’ai commencé la photo, j’étais dingue de Nadar, raconte-t-il.
J’avais 15 ans et je faisais partie d’un photo-club quand on m’a offert un livre de ses photographies publié aux éditions du Chêne, que j’ai toujours. Il a été un déclencheur. » À ses débuts, Éric Poitevin n’a effectivement fait que du portrait avant de s’intéresser aux paysages, à la nature morte, aux vanités et aux nus. La série des Anciens Combattants, qu’il réalise à 22 ans, a « ancré à ce titre beaucoup de choses », dit-il rétrospectivement, en particulier le travail à la chambre photographique qui induit un autre rapport à l’image.
Les 100 portraits de vétérans de la guerre de 1914-1918 de la série ont participé à sa notoriété et à sa présence dans les collections publiques ou privées. On les retrouve aujourd’hui dans l’exposition « Une histoire de famille », consacrée aux collections d’Anne-Marie et Marc Robelin et présentée au Musée d’art contemporain de Lyon. C’est d’ailleurs cette exposition qui est à l’origine de la carte blanche donnée par le Musée des beaux-arts de la ville à Éric Poitevin pour concevoir un dialogue entre des œuvres choisies dans les collections de l’institution et des séries qu’il a déjà produites, peu montrées ou créées dans cette perspective. Pour ce photographe qui ne cesse de se référer à l’histoire de la photographie et à l’histoire de l’art, la proposition ne pouvait que « l’inciter à faire des photographies auxquelles [il] n’aurait jamais pensé ». Et elles sont nombreuses, à l’instar de cette série de photographies en noir et blanc réalisées à l’échelle 1/1 du saint François d’Assise momifié debout de Francisco de Zurbarán, aux variations de tirages vertigineuses, mises en regard du célèbre portrait détenu par le musée avec, en creux, ce que permit l’invention de la photographie, à la fois en matière de reproduction d’œuvres d’art et de diffusion, au plus grand nombre. Par le geste de la reproduction lui-même, évoquer également le tâtonnement, l’expérimentation à l’œuvre dans la chambre noire et les réinterprétations possibles d’une même image. « Il n’y a pas de photographie ratée, dit Éric Poitevin. Chaque photo a son propre mystère. » Et chaque série ses propres références. Dans celle des voiles de visée, tissu utilisé lors d’une prise de vue à la chambre, c’est un autre geste « presque mécanique, voire rituel », qui est convoqué dans cette variation de plis qu’il peut prendre une fois que le photographe le laisse sur un des socles de son studio. La même épure dans la composition sur fond blanc et lumière du jour se retrouve dans ses photographies antérieures d’animaux morts, de plantes, de natures mortes ou de vanités. « Une image est un point de rencontre », dit-il. Le travail en studio et la chambre photographique y participent, car « ils permettent d’instaurer une vraie relation et de remettre du temps dans les choses sans instaurer de hiérarchie ».
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Éric Poitevin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°755 du 1 juin 2022, avec le titre suivant : Éric Poitevin