ETATS-UNIS
L’artiste reconnue pour son travail sur les voix, le discours, mais aussi le paranormal s’est éteinte à l’âge de 78 ans.
Le regard de Susan Hiller va manquer au monde l’art contemporain, ainsi que le souligne son galeriste londonien, Matt’s Gallery, qui déplore la perte d’une « voie unique et singulière, une grande artiste, auteur, penseur et mentor ». L’artiste qui s’est éteinte le 28 janvier 2019 occupait une place inhabituelle, tant par son parcours que par les thèmes et les méthodes de travail qu’elle avait choisi.
Née à Tallahasee (Floride) en 1940, elle est dissuadée de se lancer dans une carrière artistique par son entourage du fait d’être une femme. Elle étudie donc l’anthropologie, jusqu’au doctorat obtenu en 1965, avant de tenir un discours critique sur sa discipline. Elle déplore ainsi la recherche de légitimité scientifique des anthropologues, les poussant à tout « chosifier », et préfère une approche artistique qui laisse place à l’« irrationnel, au mystérieux, au sublime ».
Influencé par le surréalisme ou les artistes de Fluxus, son travail artistique a cependant été très marqué par son parcours académique. Nombre de ses œuvres sont le résultat d’une collecte, de taxinomie scientifique appliqué à des objets irrationnels, banals ou fantaisistes. L’installation Witness (2000) met par exemple en scène des dizaines de haut-parleurs suspendus dans une chapelle abandonnée, chacun diffusant un récit d’enlèvement extra-terrestre collecté par l’artiste.
Susan Hiller avait donné un nom à cette exploitation de phénomènes surnaturels dans un cadre rationnel : le « paraconceptualism », entre paranormal et conceptuel. Les expériences de morts imminentes (Clinic, 2004), l’écriture automatique (Sisters of Menon, 1979), ou l’étude des rêves (Dream Mapping, 1974) font partie des sujets exploités par Hiller pour brouiller les définitions du rationnel et de l’irrationnel.
L’œuvre de Susan Hiller présente également un versant politique, dans des œuvres où son principe d’accumulation prend une valeur particulière. Dans The J-street Project, elle recense en Allemagne tous les noms de rue comportant le mot « juif », confrontant la sérialité neutre du procédé à une dimension mémorielle chargée. Pour la Documenta de 2012, elle avait réparti cinq juke-boxes, chacun contenant une collection de chansons protestataires. Le discours était pour elle source de mémoire, comme le montre l’installation Last Silent Movie de 2007, où étaient diffusés des langues disparues ou en voie de disparition. Le travail sériel est « un engagement politique » expliquait-elle en 2011, « il y a un principe d’organisation non-hiérarchique dans ce travail ».
Depuis sa première exposition à la Gallery House de Londres en 1973, Susan Hiller avait connu une reconnaissance internationale, exposant ses œuvres au Centre Pompidou ou à la Tate Britain, qui lui a fait les honneurs d’une rétrospective monographique en 2011.
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Disparition de l’artiste américaine Susan Hiller
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