VITRY-sur-SEINE - Alors que la banlieue se serre la ceinture et que le musée voit encore son budget amputé par la réforme territoriale, personne n’a le cœur à la fête.
Malgré tout, le Mac/Val, à Vitry-sur-Seine, emprunte l’injonction de David Bowie, « Let’s dance », et lance une invitation à sortir les cotillons pour une fête d’anniversaire punk qui donne au musée l’occasion de s’habiller de fanions noirs (Black Bunting, Fiona Banner). Pour Alexia Fabre, conservatrice en chef, il fallait rendre hommage à un projet de décentralisation qui a donné naissance en 2005 à un musée « devenu un élément de fierté pour les gens qui habitent ce territoire négativement éclairé par les médias », rappelle-t-elle dans le catalogue de l’exposition. Aussi, l’incongruité de cette humeur festive pointe adroitement une culture en danger, sur laquelle le monde de l’art veille.
Cet enthousiasme ambigu déteint sur le décor, où la boule à facettes composée de rétroviseurs cassés diffuse ses reflets onduleux (Miror Ball, Stuart Haygarth) tandis que le sapin de Noël semble abattu par le poids de la neige artificielle et des conventions (Fraught Times : c’est une œuvre d’art pendant onze mois de l’année et en décembre c’est Noël, Philippe Parreno). Plus loin, un néon ordonne fébrilement aux convives de danser pour égayer l’ambiance (Dansez !, Claude Levêque).
Encore une fois, le Mac/Val réussit à concilier un choix d’œuvres exigeant et un parcours accessible au plus grand nombre. Le parti pris a fait le succès populaire de ce musée (70 % des visiteurs viennent du Val-de-Marne). En favorisant les rapprochements entre l’art et la vie, chaque accrochage envisage l’œuvre comme un outil de réflexion sur le monde. Le parcours dessiné par Frank Lamy invite à cette médiation où la vidéo est très présente. S’y compose une fascinante collection, tel un herbier de feux d’artifice, ingrédient typique de la fête que s’emploient à déconstruire les artistes, à l’exemple du silencieux diaporama en noir et blanc de Christodoulos Panayiotou (If tomorow never comes).
Revers mélancolique
Issues de la tradition des vanités, que rappelle le crâne percé d’étoiles de Douglas Gordon, les œuvres traitent ici de la fête du point de vue de son revers mélancolique. L’effroyable sujet du temps qui passe est au cœur du parcours où les 600 horloges flip de Daren Almond égrènent les minutes, inexorablement (Tide) ; même l’espace du musée ne permet pas d’y échapper. Le caractère furtif de la fête dont ne demeurent que les reliques, bougies soufflées (Anniversaire, Anne Brégeaut), char de parade remisé (Ghost Float, Amy O’Neill), incite à réfléchir sur la valeur d’un tel événement. En photographiant des processions bien ordonnées et étroitement surveillées, Bruno Serralongue pointe la stratégie canalisatrice de la célébration (série « Homenaje ») tandis qu’Hans Op de Beeck en met en scène l’interchangeabilité et l’ennui qui traduit une solitude paradoxale (All Together Now…).
La fête semble n’être qu’une occupation conventionnelle dont la mise en doute interroge même la nature sociale de l’homme. Ainsi l’auto tamponneuse solitaire de Pierre Ardouvin (Love Me Tender) ou la cabine-discothèque de Bernhard Martin (Single Disco) expriment la tentation de faire la fête tout seul… envers et contre tout.
Jusqu’au 16 janvier 2011, Mac/Val, place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine, tél. 01 43 91 64 20, du mardi au dimanche 12h-19h. Catalogue, ISBN 978-2-916324-58-6, 25 euros.
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Dancing Queen
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°337 du 16 décembre 2010, avec le titre suivant : Dancing Queen