L’exposition d’une partie de la donation d’Yvon Lambert donne à voir
de magnifiques œuvres mais peu de nouveautés.
AVIGNON - Au mois de novembre 2011 Yvon Lambert annonçait la donation à l’État de 556 œuvres provenant de sa collection personnelle, assortie d’une mise en dépôt permanente des pièces à Avignon. Afin de disposer des espaces nécessaires à leur présentation, il a été prévu que la Collection Lambert, annexe à l’horizon 2015 l’hôtel de Montfaucon voisin, actuel siège de l’École supérieure d’art d’Avignon, laquelle doit déménager dans un bâtiment excentré – non sans provoquer quelques grincements de dents.
L’occasion était ainsi toute trouvée de révéler au public au cours de la période estivale « Les Chefs-d’œuvre de la donation Yvon Lambert », soit environ 150 pièces incluses dans cet ensemble dont on connaît peu le contenu. Beaucoup des jolis noms ayant accompagné le marchand parisien depuis près de quarante ans et l’ouverture de sa galerie sont présents, même lorsque, pour certains, les trajectoires ont divergé avec le temps.
Relations insolentes
Dès l’escalier, subtile, s’inscrit Roni Horn avec une série de cinq portraits de la comédienne Isabelle Huppert affichant des variations ténues (Portrait of an image (with Isabelle Huppert), 2005). Le projet est en fait bien plus vaste, puisque, tel un fil rouge, il réapparaît subitement à plusieurs endroits au gré de la déambulation. Çà et là se tissent des rencontres qui parfois apparaissent de prime abord incongrues, avant de faire sens en conversant de manière totalement décomplexée. Il en est ainsi d’une belle salle où une bande magnétique de Zilvinas Kempinas qui flotte en cercle vers le plafond (Oasis, 2010) discourt de manière presque insolente avec la rigueur géométrique de Robert Mangold frayant avec la distorsion (Distorted Circle Within a Square, 1972). Mais aussi avec une sérieuse série de toiles rayées de Daniel Buren (Sans titre, 1969), le tout scruté par les facéties du dieu Pan telles qu’évoquées par le trait de Cy Twombly (Pan, 1980).
Parfois l’exercice tourne pourtant au désastre, lorsqu’un somptueux triptyque de Brice Marden dans des tons gris-vert (Mur chez Lambert, 1973) est confronté à deux clichés de Vik Muniz inspirés par Van Gogh (Semeur d’après Van Gogh, 2011-2012). Non seulement les œuvres n’ont là rien à se dire, mais cette rencontre manquée éteint définitivement le Marden un peu à l’étroit.
À l’étage, une variation bien vue sur le portrait et la figure humaine parcourt toutes les salles. Débutant par de belles pièces de Jean-Michel Basquiat, dont certaines frisent l’intime comme un grand cahier de croquis ou une série de fragments corporels (Anatomy, 1982), elle se poursuit par le diaporama Self-Portrait (All by Myself) (1953-1995) de Nan Goldin, l’une de ses plus belles œuvres, toujours diablement efficace et émouvante, et la magistrale série « America » (2002- 2004) d’Andres Serrano, réunie dans la grande galerie.
Reste en fin de parcours, pour le visiteur régulier et attentif de la Collection, une très dérangeante impression de déjà-vu, qui va à l’encontre de la promesse faite de « découvrir ou redécouvrir les grands noms qui constituent la collection […], conservée à Avignon mais rarement présentée dans les salles de l’hôtel de Caumont ». La perspective en effet de voir mise au jour cette donation s’accompagnait de l’espoir de découvrir des chefs-d’œuvre méconnus ou jamais vus. Peine perdue, puisque presque toutes les pièces ont déjà été exposées en ces murs, à l’exception notable de quelques travaux de Basquiat. Le catalogue de l’exposition s’annonçant comme un premier volet de la présentation de cette donation, il reste à espérer qu’un prochain pan révélera alors des trésors inédits.
Jusqu’au 11 novembre, Collection Lambert en Avignon, 5, rue Violette, 84000 Avignon, tél. 04 90 16 56 20, www.collec tionlambert.com, tlj sauf lundi 11h-18h. Catalogue, coéd. Actes Sud, Arles/Collection Lambert en Avignon, 196 p., 35 €.
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Collection Lambert : une donation sans surprises
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire : Éric Mézil, directeur de la Collection Lambert
- Nombre d’œuvres :
environ 150
Légende photo
Andres Serrano John Schneider, Boy-scout de la troupe 442 (2002-2004) - Série America - Collection Lambert, Avignon
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°375 du 21 septembre 2012, avec le titre suivant : Collection Lambert : une donation sans surprises