Martinique

Biac, première !

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 2 janvier 2014 - 533 mots

La Martinique lance sa première Biennale d’art contemporain sur la rencontre entre littérature et art.

FORT DE FRANCE - « Je souhaite que la Biennale internationale d’art contemporain de la Martinique (Biac) s’inscrive dans le contexte des biennales internationales, (...) qu’elle devienne un passage obligé entre la Biennale de Miami et celle de La Havane et offre un éclairage sur les artistes martiniquais », revendique Johanna Auguiac-Célénice, directrice de la manifestation. L’ambition est de taille quand on sait combien cette région souffre d’un manque de structures et de réseaux. Lancé sous l’impulsion du Conseil régional de la Martinique qui l’a presque totalement financé, l’événement a été monté en un temps record de huit mois. Certes, la biennale est de taille modeste (44 artistes et 90 œuvres), mais elle est l’occasion de découvrir une scène passionnante.

Coïncidant avec la célébration du 100e anniversaire de la naissance d’Aimé Césaire, cette première édition a pour thème les rapports entre art et littérature. Placée sous le parrainage du sculpteur sénégalais Ousmane Sow, elle interroge l’héritage du poète fondateur de la « négritude » et montre comment ses réflexions identitaires, relayées et prolongées par les penseurs de la « créolisation », comme Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau ou Raphäel Confiant, nourrissent aujourd’hui des artistes qui ont en commun des histoires d’esclavage et de colonisation.

La manifestation s’organise autour de parcours « In Situ », du Pavillon Martinique et du Pavillon international, puis de différentes installations. Si l’on peut saluer l’initiative de jeter un coup de projecteur sur les artistes martiniquais, il est regrettable d’avoir installé le Pavillon Martinique dans les espaces exigus de l’Atrium à Fort de France qui ne sont pas à la hauteur de la force poétique des artistes, tels Hervé Beuze qui transmue le cri littéraire de Césaire en un volcan de papier renversé ou Gilles Elie-Dit-Cosaque qui présente ses cahiers en lambeaux d’histoires personnelles et collectives. Le Pavillon international dispose à l’inverse d’un bel espace de 2 400 mètres carrés, dans une ancienne usine de mise en conserve d’ananas à Morne Rouge, parfaitement adapté aux œuvres de grands formats qui y sont présentées. L’exposition « Otherwise Black » interroge avec subtilité la condition noire à l’heure de la mondialisation. Les artistes sont essentiellement issus de la scène « régionale », avec un fort contingent caribéen, bien qu’on y trouve aussi des Américains, des Africains et des Asiatiques. On retiendra la fresque de l’artiste nigérienne Mary Evans peuplée de silhouettes mystérieuses, les sphères du Jamaïcain Charles Campbell, le bateau de fortune de l’américain Nyugen E. Smith et les aquarelles de Florine Demosthene explorant la sensualité de la femme noire.

Pour le reste, s’inscrivant dans la dynamique du projet de réhabilitation urbaine présidé par l’écrivain Patrick Chamoiseau, la biennale se déroule dans l’espace public, avec des interventions street art et des installations comme celles de la dominicaine Inès Tolentino qui réactivent l’histoire.

BIAC, 1re Édition, De la résonance du cri littéraire dans les arts visuels,

jusqu’au 15 janvier 2014, divers lieux, Martinique, Pavillon Martinique (Atrium) à Fort de France lundi-samedi 10h-17h, Pavillon International (Usine socomor) à Morne Rouge mardi-dimanche 10h-17h, accès gratuit.

Directrice : Johanna Auguiac-Célénice Commissaires : Holly Bynoe et Tumelo Mosaka Nombre d’artistes : 44

Légende photo

Logo de la Biennale Internationale d'Art Contemporain de la Martinique 2013.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°404 du 3 janvier 2014, avec le titre suivant : Biac, première !

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